Michelin, un fleuron industriel français qui dégonfle ses usines
Fleuron mondial et longtemps symbole d’une industrie paternaliste, Michelin a multiplié les fermetures de site en France ces dernières années, réduisant son empreinte industrielle.
Le groupe clermontois a annoncé mardi qu’il allait fermer deux usines supplémentaires en France, à Cholet et Vannes, à cause d’une forte baisse d’activité dans le secteur des poids lourds et des camionnettes. Le géant des pneumatiques, qui conteste à Bridgestone le titre de premier constructeur mondial, avait installé sa première usine en 1889 à Clermont-Ferrand. A l’origine, 52 ouvriers y travaillent à la fabrication de patins de frein pour vélo.
Au cours du XXe siècle, Michelin accompagne le développement des bicyclettes puis des automobiles et devient une des multinationales tricolores les plus connues, avec des pneus d’excellente réputation, des victoires en Formule 1 et en rallye, et de fameux coups de marketing. Le Bibendum, dessiné à partir d’un empilement de pneus et devenu un des logos les plus connus dans le monde, a fêté ses 125 ans en 2023. Et le Guide Michelin reste une référence pour les gourmets. Le groupe a misé sur les pneus haut de gamme et pèse désormais 28 milliards d’euros de chiffre d’affaires, avec plus de 130 sites et 132.500 salariés dans le monde fin 2023, dont 19.000 en France (contre plus de 23.000 en 2013).
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Et si l’usage des pneus reste extrêmement polluant, le fabricant est en pointe dans la recherche sur les nouveaux matériaux et vise à ne produire que des pneus en matières renouvelables ou recyclées à horizon 2050. Dès les premières années du groupe, son fondateur Edouard Michelin (1859-1940) se lance dans de grands programmes paternalistes à l’égard de ses ouvriers. Des écoles, des coopératives et des cités-jardins fleurissent, marquant le tissu urbain de Clermont-Ferrand, où la société emploie jusqu’à 30.000 « Bib ». Et les usines se multiplient en France, à Montceau-les-Mines (Saône-et-Loire) ou Golbey (Vosges). Le petit-fils d’Edouard, François Michelin, dirige l’entreprise entre 1959 et 1999. A sa mort en 2015, des salariés saluent son « humanisme social ».
Du côté des syndicats, on se souvient surtout d’un patriarche conservateur qui considérait les représentants du personnel comme « le ver dans le fruit ». Son fils Edouard Michelin lui succède en 1999 et provoque l’émoi en annonçant 7.500 suppressions de postes, notamment à l’usine de Noyelles-lès-Seclin (Nord), évoquant déjà des problèmes de productivité et une concurrence acharnée. C’est à cette occasion que le Premier ministre de l’époque Lionel Jospin marque l’opinion en déclarant qu' »il ne faut pas attendre tout de l’Etat et du gouvernement ». Edouard décède dans un naufrage en 2006, et le dernier membre de la famille fondatrice Michel Rollier est remplacé par Jean-Dominique Senard en 2012. Michelin va mal mais se redresse dans les années 2010.
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Après avoir traversé la pandémie de Covid, le groupe doit désormais affronter la baisse des ventes d’automobiles. Mais il protège ses bénéfices, qui sont restés à plus d’un milliard d’euros au premier semestre 2024 (-4,63% sur un an). Le Bibendum se retire progressivement de France pour des questions de coûts, comme de nombreux groupes industriels soumis à la concurrence internationale. Il ferme les sites de Poitiers (2006), Toul (2008), Joué-lès-Tours (2014) et La-Roche-sur-Yon (2020), avant une nouvelle vague de 2.300 suppressions de postes en France en 2021. Le groupe construit parallèlement des usines géantes en Pologne, Espagne, Brésil, Chine ou Thaïlande, pour être au plus près de ses clients.
Nommé en 2018 à la tête de Michelin, Florent Menegaux a pour mission de réduire les coûts, poursuivre la montée en gamme des pneus, et diversifier les activités du groupe hors des pneumatiques. « C’est l’effondrement de l’activité qui a provoqué cette situation », a souligné M. Menegaux mardi dans un entretien à l’AFP. « Nous ne laisserons personne au bord du chemin ». Quand Michelin ferme une usine, en héritier de son passé social, il s’engage en effet à ne laisser personne sur le carreau en proposant des formations, en revitalisant le site. « La France reste un pays stratégique pour Michelin », a souligné M. Menegaux. « Nous avons investi en France 2,5 milliards d’euros au cours des dix dernières années et nous allons continuer d’investir dans les années qui viennent ».
Challenge (avec AFP)