Mohammed Drissi Melyani : «Le Maroc est attentif aux tendances mondiales en matière d’IA»
Dans un monde constamment remodelé par l’Intelligence Artificielle, le Maroc se positionne à l’intersection entre l’immense potentiel de cette technologie révolutionnaire et les défis inédits qu’elle suscite. Afin de mieux appréhender ce tournant technologique, Mohammed Drissi Melyani dévoile la vision de l’Agence pour mener à bien cette transition numérique, tout en anticipant les risques potentiels qui l’accompagnent.
Challenge : Comment interprétez-vous l’ascension fulgurante de l’intelligence artificielle sur la scène mondiale ?
Mohammed Driss Melyani : L’intelligence artificielle (IA) représente l’avant-garde de l’innovation technologique mondiale. Des nations à travers le monde reconnaissent son potentiel illimité et investissent massivement dans la recherche, le développement, et l’implémentation de cette technologie révolutionnaire. Il est crucial de comprendre que l’IA, par son impact déterminant sur les activités économiques, ouvre la porte à une myriade d’opportunités et offre des avantages colossaux dans une multitude de secteurs. Cependant, comme toute force transformatrice, elle soulève un défi : trouver l’équilibre entre l’innovation et les risques potentiels qu’elle pourrait engendrer pour notre société. De nombreuses recherches prédisent que l’IA aura un impact significatif sur l’économie, la structure des marchés du travail globalement, et sur l’évolution du PIB des nations. En effet, en 2017, l’apport spécifique de l’IA sur le PIB mondial entre 2018 et 2030 a été estimé à 15.700 millards de dollars. Néanmoins, cette avancée technologique mondiale, en constante évolution, pourrait creuser les écarts entre les pays, les entreprises et les travailleurs si des politiques publiques adéquates ne sont pas mises en œuvre. L’importance de l’IA ne saurait être sous-estimée. Il est donc vital d’anticiper et de préparer notre pays aux transformations majeures qui découleront de l’introduction de l’IA dans diverses sphères d’activité.
Challenge : Où se situe le Maroc dans cette nouvelle ère numérique et comment l’Agence de développement digitale (ADD) aligne-t-elle sa vision face à cette percée impressionnante de l’intelligence artificielle ?
M.D.M. : Le Maroc, attentif aux tendances mondiales de l’intelligence artificielle, tient un rôle d’observateur consciencieux. L’Agence de Développement Digitale (ADD) mène une veille scrupuleuse sur la préparation des pays à l’intégration de l’IA. Notre pays, fort de son capital humain qualifié, de ses solides infrastructures numériques et de son esprit d’entreprise innovant, est bien placé pour faire des avancées significatives dans ce domaine. Cependant, le pays doit faire face à un défi majeur, à savoir, l’élaboration d’un plan d’action efficace pour promouvoir l’usage de l’intelligence artificielle. Heureusement, l’ADD est déjà à l’oeuvre. La création d’un écosystème pilote marocain autour de l’IA est l’un des principaux objectifs de sa feuille de route.
Dans cette optique, nous avons lancé en 2019 le programme Al Khawarizmi, en partenariat avec plusieurs ministères et le CNRST, pour encourager la recherche appliquée dans les domaines de l’IA et du big data. Avec 45 projets issus de 15 institutions de recherche marocaines, les domaines d’intervention sont divers et couvrent un large éventail de secteurs. Mais Al Khawarizmi ne se limite pas à la recherche. Il aspire également à former un grand nombre de chercheurs et de doctorants, contribuant ainsi à doter le Maroc d’un capital humain qualifié pour le développement de son écosystème d’IA. Ceci dit, l’exploitation optimale de l’IA nécessite des données fiables. L’ADD a pris des initiatives pour assurer leur disponibilité, en mobilisant les acteurs publics et privés et en lançant une nouvelle version du portail national des données ouvertes (Open Data). Toutefois, l’émergence de l’IA soulève des questions éthiques importantes. Conscient de ces enjeux, le Maroc a aligné sa politique avec les recommandations de l’UNESCO sur l’éthique de l’IA et a institué une commission nationale d’éthique en partenariat avec divers organismes gouvernementaux, le CNRST, la CNDP, la CGEM et l’ADD.
Challenge : Parlez-nous un peu de la plateforme Moukawala Raqmya. Mis à part le volet diagnostic, quelles solutions la plateforme offre-t-elle concrètement aux PME ?
M.D.M. : «Moukawala Raqmya» est une initiative passionnante que nous avons lancée dans le but d’encourager l’adoption du numérique parmi les entreprises marocaines. C’est un outil puissant qui nous permet de favoriser la croissance et la compétitivité, et c’est un élément clé du projet «Digital PME». L’idée derrière la plateforme est de permettre aux entreprises, quels que soient leur taille ou leur secteur, d’évaluer elles-mêmes leur maturité numérique. Nous pensons que c’est un moyen fantastique de sensibiliser nos très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) à l’importance de la transformation numérique. Nous leur offrons un plan d’action personnalisé et des recommandations, ainsi que des services à valeur ajoutée, pour les aider dans leur processus de digitalisation.
Challenge : Les startups jouent un rôle clé dans l’innovation technologique. Comment se décline l’accompagnement des jeunes pousses dans la stratégie de développement de l’ADD. Quels sont les programmes et les incitations mis en œuvre pour encourager l’émergence d’entreprises innovantes ?
M.D.M. : Les startups marocaines s’imposent comme des acteurs clés de l’innovation technologique. Afin de faciliter leur essor, l’ADD a mis en place un accompagnement spécifique au cœur de sa stratégie de développement, donnant lieu à des programmes stimulants destinés à encourager la floraison de ces entreprises novatrices. Dans la dynamique de la révolution numérique 4.0 entamée au début des années 2000, le Maroc a su se montrer proactif, en déployant toute une série d’initiatives, qu’elles soient gouvernementales ou privées, dans l’optique de créer un environnement favorable à l’épanouissement du numérique. Le pays a ainsi érigé des structures adéquates pour épauler les entrepreneurs dans leur phase de démarrage, allant des technoparks aux universités, en passant par les banques et les institutions de financement. Cette politique a engendré une dynamique entrepreneuriale sur l’ensemble du territoire marocain, libérant ainsi la créativité et l’esprit d’innovation des jeunes générations.
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Plusieurs initiatives notables ont été lancées pour soutenir et accompagner ce dynamisme entrepreneurial, comme la plateforme Startuphub.ma, qui a permis d’attribuer le label «Jeune Entreprise Innovante en nouvelles technologies» à plus de 350 startups jusqu’à mars 2023. Le programme «Boost with Facebook», de son côté, a aidé plus de 3000 entreprises marocaines à surmonter la crise de la COVID en développant leurs compétences numériques.