Interview

Mohammed Jadri: «La modernisation du réseau ferroviaire marocain représente un levier stratégique essentiel pour stimuler la croissance économique du pays»

Le Maroc s’engage dans une transformation ambitieuse de son réseau ferroviaire, avec l’objectif de connecter 43 villes d’ici 2040, un projet qui pourrait métamorphoser la compétitivité du transport ferroviaire et stimuler la croissance économique du pays. Pour discuter de ces enjeux majeurs, Mohammed Jadri nous livre son analyse sur l’impact de ces investissements, les bénéfices attendus pour l’économie nationale, ainsi que les perspectives offertes par la modernisation du réseau ferroviaire. 

Challenge : Le Maroc prévoit de transformer son réseau ferroviaire d’ici 2040, en augmentant de 23 à 43 le nombre de villes connectées, ce qui permettra de desservir 87% de la population, contre 51% actuellement. Quel impact ces investissements auront-ils sur la compétitivité du transport ferroviaire au Maroc à long terme ?

Mohammed Jadri : Le projet d’extension du réseau ferroviaire marocain à l’horizon 2040 représente une transformation majeure pour le transport et l’économie du pays. En passant de 23 à 43 villes connectées, cette initiative permettra de couvrir 87 % de la population contre 51 % actuellement, renforçant ainsi l’inclusion territoriale et offrant de nouvelles perspectives de développement régional.  

L’un des premiers impacts sera la réduction des inégalités territoriales. Des villes et régions jusqu’ici mal desservies bénéficieront enfin d’une connexion ferroviaire, ce qui facilitera la mobilité des citoyens et encouragera l’investissement dans ces zones. Cet accès amélioré au transport favorisera également l’émergence de nouveaux pôles économiques et contribuera à la création d’emplois.  

Sur le plan de la compétitivité du transport ferroviaire, ce projet repositionnera le train comme une alternative plus attrayante face aux autres modes de transport, notamment la route et l’aérien. Avec un réseau élargi, des trajets plus fluides et un coût potentiellement plus accessible, le train deviendra un choix privilégié pour les déplacements interurbains, tant pour les particuliers que pour les professionnels.  

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Challenge : En quoi la modernisation du réseau ferroviaire pourrait-elle constituer un levier stratégique pour stimuler la croissance économique du pays ?

M.J : La modernisation du réseau ferroviaire marocain représente un levier stratégique essentiel pour stimuler la croissance économique du pays. En renforçant les infrastructures de transport, le Maroc améliore la connectivité entre les régions, facilitant ainsi les échanges commerciaux et l’intégration économique nationale. Grâce à un réseau ferroviaire plus dense et performant, de nouvelles opportunités émergeront, réduisant les disparités territoriales et dynamisant les économies locales.

L’un des principaux bénéfices de cette modernisation réside dans la réduction des coûts logistiques pour les entreprises. En offrant un transport de marchandises plus rapide, plus sûr et moins coûteux que le transport routier, le ferroviaire permettra aux industries marocaines d’améliorer leur compétitivité, notamment sur les marchés d’exportation vers l’Europe et l’Afrique. Une logistique optimisée renforcera ainsi l’attractivité du Maroc en tant que plateforme régionale d’échanges commerciaux.

Le secteur du tourisme bénéficiera également de cette expansion ferroviaire. En facilitant l’accès aux principales destinations touristiques du pays, cette modernisation encouragera les déplacements des voyageurs nationaux et internationaux. Des liaisons plus rapides et confortables favoriseront la fréquentation des sites touristiques, stimulant ainsi l’hôtellerie, la restauration et l’ensemble des services associés.

En parallèle, cette infrastructure modernisée renforcera l’attractivité du Maroc pour les investisseurs étrangers. Un réseau de transport performant constitue un facteur clé dans la décision d’investissement, car il garantit un accès facilité aux marchés, une mobilité fluide des ressources humaines et une meilleure circulation des biens et services. Cela encouragera la diversification économique du pays et la création d’emplois dans de nombreux secteurs. Sur le plan environnemental, le développement du transport ferroviaire contribuera à une transition écologique nécessaire. Moins polluant que le transport routier ou aérien, le train permettra de réduire la dépendance aux énergies fossiles et de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Ce projet s’inscrit ainsi dans la vision du Maroc en matière de développement durable et de lutte contre le changement climatique.

Enfin, un réseau ferroviaire modernisé offrira une meilleure mobilité aux travailleurs et aux étudiants, réduisant les temps de trajet entre les grandes villes et les zones périphériques. Cela améliorera la productivité et favorisera une répartition plus équilibrée de la main-d’œuvre à travers le territoire. La modernisation du réseau ferroviaire dépasse la simple amélioration des infrastructures de transport. Elle représente un investissement stratégique qui favorisera la croissance économique, stimulera le commerce et renforcera la compétitivité du Maroc à l’échelle régionale et internationale.

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Challenge : Grâce à ces investissements, le réseau ferroviaire desservira près de 87% de la population marocaine d’ici 2040, contre 51% aujourd’hui. Parallèlement, 12 ports et 15 aéroports internationaux seront reliés au rail, contre 6 ports et 1 aéroport actuellement. Que pensez-vous de ces objectifs ambitieux ?

M.J : Les objectifs fixés par le Maroc en matière de développement ferroviaire d’ici 2040 sont extrêmement ambitieux et témoignent d’une vision stratégique à long terme. L’extension du réseau ferroviaire pour desservir 87 % de la population, contre 51 % aujourd’hui, constitue une avancée majeure en termes d’inclusion territoriale et de mobilité. Cette initiative permettra de rapprocher les citoyens des grands pôles économiques et de désenclaver plusieurs régions, favorisant ainsi un développement plus équilibré du pays.

L’un des aspects les plus marquants de ce projet est l’amélioration de la connectivité avec les infrastructures stratégiques du pays. En passant de 6 à 12 ports et d’un seul à 15 aéroports internationaux connectés au réseau ferroviaire, le Maroc se dote d’un maillage logistique performant qui renforcera sa compétitivité sur la scène internationale. Cette interconnexion entre le rail, les ports et les aéroports facilitera le transport des marchandises et des passagers, réduisant les coûts logistiques et fluidifiant les échanges commerciaux, notamment dans le cadre des exportations vers l’Europe et l’Afrique.

Ces investissements s’inscrivent dans une logique de modernisation du transport et d’optimisation des infrastructures, visant à positionner le Maroc comme un hub économique incontournable. En renforçant les liaisons entre les grandes villes, les zones industrielles et les plateformes portuaires et aéroportuaires, le pays crée un environnement favorable aux affaires et à l’investissement.

Cependant, atteindre ces objectifs nécessitera une gestion rigoureuse des financements et une coordination efficace entre les différents acteurs impliqués. Il sera essentiel d’assurer une planification optimale des travaux, d’attirer des investissements publics et privés, et de garantir la pérennité du réseau à travers une maintenance et une exploitation performante.

Ces objectifs ambitieux traduisent une volonté claire de faire du rail un moteur de développement économique et territorial. S’ils sont atteints, ils permettront au Maroc de se positionner comme un modèle en matière d’infrastructures de transport en Afrique et de renforcer son attractivité à l’échelle internationale.

Challenge : L’ONCF envisage de renforcer le secteur ferroviaire en développant un écosystème industriel local. Quels en seraient les bénéfices pour l’économie nationale ?

M.J : Le développement d’un écosystème industriel local autour du secteur ferroviaire, envisagé par l’ONCF, constitue une opportunité majeure pour l’économie nationale. En structurant une industrie ferroviaire au Maroc, le pays pourra renforcer son autonomie, réduire sa dépendance aux importations et dynamiser plusieurs secteurs économiques.

L’un des premiers bénéfices de cette initiative sera la création d’emplois à grande échelle. L’implantation d’usines de fabrication de matériel roulant, d’ateliers de maintenance et d’unités de production de composants ferroviaires générera des milliers d’emplois directs et indirects. Par ailleurs, cette dynamique nécessitera le développement de formations spécialisées, favorisant ainsi la montée en compétences de la main-d’œuvre marocaine et l’émergence de nouveaux métiers liés au ferroviaire. Sur le plan économique, la production locale de composants ferroviaires permettra de réduire les importations et d’optimiser les coûts d’acquisition et de maintenance des équipements. Actuellement, une grande partie des infrastructures et du matériel roulant est importée, ce qui représente un coût important. En développant une industrie nationale, le Maroc pourra non seulement réduire ses dépenses, mais aussi créer une chaîne de valeur locale plus compétitive.

Ce projet contribuera également à renforcer l’innovation technologique et à dynamiser le tissu industriel. L’émergence d’un écosystème ferroviaire encouragera la collaboration entre les entreprises marocaines, les centres de recherche et les grandes industries internationales. Cela favorisera le transfert de technologies, le développement de solutions adaptées aux besoins du pays et la montée en gamme du savoir-faire industriel marocain. Par ailleurs, ce positionnement industriel ouvrira de nouvelles perspectives à l’exportation. En maîtrisant la fabrication de composants ferroviaires, le Maroc pourra proposer ses services et produits à d’autres pays d’Afrique qui cherchent à moderniser leurs infrastructures ferroviaires. Cette orientation renforcera le rôle du pays en tant que hub industriel et logistique sur le continent.

Enfin, le développement d’un écosystème ferroviaire local contribuera aux objectifs environnementaux du Maroc. En produisant du matériel plus moderne et respectueux de l’environnement, et en encourageant l’utilisation du train comme moyen de transport principal, cette initiative participera à la réduction des émissions de CO2 et à une mobilité plus durable.

Globalement, cette stratégie industrielle s’inscrit dans une vision de développement économique durable et compétitif. Elle permettra non seulement de renforcer la souveraineté industrielle du Maroc, mais aussi d’accélérer son intégration dans les grandes chaînes de valeur mondiales, tout en favorisant l’innovation et la création d’emplois qualifiés.

 
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