Interview

Mostafa Belkhayate : «L’or reste un investissement incontournable, que l’on soit résident marocain ou pas»

L’or, métal précieux par excellence, a récemment atteint des sommets historiques, établissant des records impressionnants. Au Maroc, cette montée spectaculaire dépasse même les niveaux observés durant la pandémie, soulevant des questions essentielles pour les investisseurs : est-ce le moment idéal pour investir dans l’or, et quelles sont les meilleures options disponibles ? Les réponses de Mostafa Belkhayate.

Challenge : Le cours de l’or ne cesse de nous surprendre et continue d’atteindre des records historiques. Comment expliquez-vous cette flambée du métal jaune ?     

Mostafa Belkhayate : Le cours de l’or ne me surprend pas. Cela fait 20 ans que je recommande d’investir dans le roi des métaux. Aujourd’hui il est sur des records historiques mais ce n’est que le début de son ascension imparable.  

Les professionnels se plaisent d’ailleurs à mettre en avant plusieurs facteurs «formels» influençant le marché de l’or, notamment. 

L’or est traditionnellement considéré comme une valeur refuge en période d’incertitude économique. Les crises économiques, les tensions géopolitiques, et l’inflation croissante incitent les investisseurs à se tourner vers l’or pour protéger leur patrimoine. Dans ce contexte, les fluctuations des devises, en particulier du dollar américain, influencent également le cours de l’or, car il est généralement coté en dollars. Lorsque le dollar faiblit, l’or devient moins cher pour les détenteurs d’autres devises, augmentant ainsi la demande. 

En parallèle à ces facteurs économiques et géopolitiques, les politiques monétaires accommodantes des banques centrales, telles que les taux d’intérêt bas et les programmes d’assouplissement quantitatif, jouent un rôle important. Ces politiques renforcent l’attrait de l’or, car les investisseurs recherchent des actifs tangibles comme l’or pour se protéger contre l’inflation et la dévaluation des monnaies. 

À cela s’ajoute la demande croissante des marchés émergents, notamment en Chine et en Inde. Ces pays, qui représentent une part importante de la consommation mondiale d’or, continuent de voir leur demande augmenter. Dans ces marchés, l’or est non seulement considéré comme un investissement précieux, mais aussi comme un bien culturellement valorisé, notamment pour les bijoux. 

Cependant, cette demande croissante se heurte à une offre relativement limitée. La production minière n’a pas connu une augmentation significative ces dernières années, ce qui, combiné à la demande croissante, contribue à la hausse des prix de l’or. Ces divers facteurs interconnectés influencent donc de manière significative le marché de l’or. 

Mais il y a un facteur « informel » qui balaye tout ça : la Chine a une stratégie pointue depuis 20 ans d’acheter tout l’or disponible et de l’accumuler sans faire de bruit. Elle a une vision sur plusieurs centaines d’années et ne veut surtout pas montrer son vif intérêt pour le métal jaune. Comme je l’ai déjà dit et répété, vous ne verrez jamais un chinois vendre un gramme d’or.  

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Challenge : Au Maroc cette dynamique internationale se répercute directement sur le marché local, incitant les investisseurs à se tourner vers l’or. Le prix du gramme d’or 18 carat qui coûtait 80 DH, dépasse actuellement les 700 DH. Est-ce le bon moment pour investir dans l’or ? 

M.B : C’est toujours le bon moment d’acheter de l’or. Mais au Maroc, il y a plusieurs raisons qui freinent l’investissement.  

La bourse de Casablanca n’offre pas de produit Or : pas de fonds Or, pas de pièces de collection. Il n’y a non plus aucun produit financier pour tirer profit de la hausse de l’or si ce n’est acheter des actions de compagnies minières comme Managem.  

Il n’existe pas au Maroc le marché à terme de l’or, ni les options sur l’or. Autrement dit, aucun moyen financier de se protéger contre la très forte volatilité de l’or. 

La culture marocaine reste mitigée sur cet investissement qu’elle ne comprend pas. Elle préfère la pierre et la terre.  La non convertibilité du dirham rétrécit le choix de la provenance de l’or. 

Depuis des années je recommande aux institutionnels marocains d’entrer dans ce marché en créant au Maroc une véritable plateforme de l’or : monter une raffinerie de dimension internationale, un coffre-fort d’or, une zone offshore pour détenir sans taxe de l’or.  

Il est dommage de ne pas saisir l’opportunité de notre position géographique pour devenir un véritable centre international de l’or. 

Casablanca Finance City souhaite briller en Afrique mais il faut savoir qu’aucune place financière n’est devenue internationale sans d’abord être un centre de l’or (New York, Londres, Hong Kong) et toutes celles qui ont sous-estimé la puissance du roi des métaux n’ont pas véritablement décollé (Dubaï, qui n’est qu’un hub de l’or au service de la Chine et de l’Inde, Ryad). 

Challenge : Quels sont les risques associés à l’investissement dans l’or ? 

M.B : Certains « professionnels » aiment mentionner plusieurs facteurs comme risque. Selon eux, bien que l’or soit souvent perçu comme un actif stable, son prix peut être très volatil. Cette volatilité est influencée par les fluctuations des taux d’intérêt, les politiques des banques centrales, et la force du dollar américain. Par conséquent, les investisseurs doivent être conscients des variations potentiellement importantes du prix de l’or. 

En outre, contrairement aux actions ou obligations, l’or ne génère ni dividendes ni intérêts. Sa valeur repose uniquement sur l’appréciation du prix, ce qui signifie que les investisseurs ne gagnent de l’argent que lorsque le prix de l’or augmente. Cette absence de rendement peut donc représenter un inconvénient pour ceux qui recherchent des revenus passifs. 

De plus, détenir de l’or physique implique des coûts supplémentaires. En effet, il est nécessaire de prévoir des dépenses liées à son stockage sécurisé, que ce soit dans un coffre-fort personnel ou par le biais d’un service de stockage professionnel. Ces coûts de stockage et de sécurité doivent être pris en compte par les investisseurs pour évaluer l’attrait global. 

Mais investir dans l’or est moins risqué que sur n’importe quel produit financier. Et ce sujet mérite à lui tout seul un doctorat. J’invite d’ailleurs les étudiants et étudiantes marocains à s’y intéresser. 

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Challenge : Pour quels types d’investisseurs l’or peut-il être intéressant ? 

M.B : L’or peut être un investissement attrayant pour plusieurs types d’investisseurs. Tout d’abord, pour les investisseurs prudents, l’or offre une option intéressante. Ceux qui cherchent à diversifier leur portefeuille et à réduire les risques associés aux actions et aux obligations peuvent bénéficier de l’inclusion de l’or, ajoutant une couche de sécurité à leur investissement. 

En outre, pour les investisseurs à long terme, l’or présente des avantages particuliers. Pour ceux qui ont un horizon de placement étendu, l’or peut agir comme une couverture efficace contre l’inflation et les crises économiques, contribuant ainsi à préserver la valeur du portefeuille sur de longues périodes. 

Enfin, pour les investisseurs cherchant une protection contre la volatilité des marchés, l’or est souvent perçu comme une valeur refuge. En période d’incertitude, les investisseurs qui souhaitent se protéger contre les baisses des marchés financiers peuvent trouver l’or particulièrement attrayant, renforçant leur sécurité financière en cas de turbulences économiques. 

Challenge : Selon plusieurs experts, le cours de l’or devrait continuer à s’apprécier d’ici 2025. Qu’en pensez-vous ? 

M.B : Compte tenu des tendances actuelles, il est très probable que l’or continue à jouer un rôle clé dans les portefeuilles d’investissement, surtout si les tensions économiques et géopolitiques persistent. Je recommande d’avoir une vision long terme sur l’or et pas seulement sur un an ou deux.  

Il s’agit d’un investissement pour les petits enfants qui seront fiers de leur grand-père qui a eu une prévoyance avisée à son époque. 

L’or se dirige tranquillement vers 5000 dollars l’once, peu importe sa volatilité. Et quoiqu’il se passe sur la planète. Pour une raison simple et magistrale à la fois : il représente la seule monnaie au monde que personne ne peut imprimer.  

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Challenge : Lingots, louis d’or, papier,… que choisir pour son investissement ? 

M.B : Au Maroc, il n’y a ni Or papier (ETF, Certificat) ni pièces de collection ni marché à terme de l’or. Il reste deux options : acheter des bijoux à nos mamans, à notre épouse et à nos filles ou acheter des pièces “ Louis d’or” qui valent aujourd’hui environ 4000 DH la pièce mais qui restent très liquides. 

En somme, l’or reste un investissement incontournable dans le contexte économique actuel, qu’on soit résident marocain ou pas.  Et surtout, vivement la création du marché de l’or marocain ! 

Son parcours 
Avec une carrière distinguée de plus de 35 ans dans la finance et un doctorat en Intelligence Artificielle appliquée aux actifs financiers, Mostafa Belkhayate est à la pointe de l’innovation dans les domaines de l’énergie durable et de la finance. 
Le parcours de Belkhayate a conduit à la conception de trois Fintech (Gold Sukuk, SpringBox et Hydrokken), où il fusionne son profond savoir des marchés financiers avec une vision claire de l’avenir de l’intelligence artificielle appliquée au négoce des matières premières.  En tant que leader et innovateur reconnu, les moments forts de sa carrière incluent la gestion d’un fonds d’investissement canadien spécialisé dans l’or physique. Sous sa direction, le fonds a connu une croissance significative, reflétant son expertise exceptionnelle en gestion financière et en stratégies d’investissement. 

Son Actu
Le cours de l’or atteint de nouveaux sommets. Au Maroc, cette dynamique internationale se répercute directement sur le marché local. 

 
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