Moyen-Orient : une région transformée…
Les récentes escalades dans la région fragilisent une certaine ligne rouge d’équilibre. À quoi devons-nous nous attendre ?
Encore sous le choc de l’opération des bippers au Liban, l’opinion internationale est marquée par la montée des tensions dans la région, cette fois-ci avec la mort du chef d’un des acteurs clés du conflit au Liban. Depuis quelques semaines, le champ du conflit s’est étendu au Liban. Sur toutes les chaînes de télévision internationales, les experts sont tous d’accord sur le fait que ces opérations d’Israël dans la région risquent de transformer la face de la région tout entière.
Beaucoup d’experts des différents foyers de tension signent le retour progressif de l’ère des conflits. Aujourd’hui, dans cet équilibre mondial assez fragile, nous sommes en droit de nous poser des questions sur l’avenir. Récemment, à l’ONU, le pacte pour l’avenir posait les bases d’une action urgente pour l’entente internationale.
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En plus des pertes humaines, l’embrasement de la région, où est concentrée 40 % de la production de pétrole, pourrait très vite faire flamber le cours du brut et ainsi anéantir le recul encore fragile de l’inflation. Pour rappel, il y a maintenant 50 ans, le monde avait été frappé par des vagues d’inflation liées à la conjoncture du pétrole. Les 16 et 17 octobre 1973, les pays arabes producteurs de pétrole décrètent une hausse des prix pour des raisons géopolitiques. Ce fut la guerre du Kippour qui entraîne donc ces externalités économiques pour les pays membres de l’Opep. Même si un pays comme l’Iran a appelé à cette mesure, les pays de l’Opep demeurent cependant inaudibles à cet appel.
« Un choc pétrolier de cette ampleur ferait échouer les efforts déployés pour maîtriser [la hausse] des prix », préviennent les économistes de Bloomberg en mai dernier. Ils imaginent ainsi l’inflation mondiale remonter à 6,7 % l’année prochaine. Bloomberg Economics estime que les prix du pétrole pourraient grimper jusqu’à 150 dollars le baril et que la croissance mondiale chuterait à 1,7 %, une récession qui enlèverait environ 1 000 milliards de dollars à la production mondiale. « La guerre au Proche-Orient est une tragédie humaine qui affecte les populations civiles et, plus largement, la stabilité et le développement économique du Moyen-Orient.
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À ce jour, le bilan mortuaire ne cesse de s’alourdir et l’impact économique de la guerre commence à se faire ressentir. L’état d’urgence nationale instauré en Israël d’une part, et le siège dans la bande de Gaza dans le cadre de l’Opération « Déluge d’Al-Aqsa », se traduisent sur le plan macro et microéconomique par un arrêt net des activités de production à l’échelle locale (pénuries de main-d’œuvre, fermetures d’entreprises, d’écoles et de commerces) », nous confie Yasmina Asrarguis, chercheuse spécialiste du Moyen-Orient.
Quel Impact au-delà des lignes ?
« Il est important de rappeler la temporalité dans laquelle nous nous trouvons actuellement et le caractère sensible du sujet. Nous sommes aujourd’hui dans un temps de guerre et d’escalade. Le deuxième temps devra absolument être celui du retour au calme, que chacun appelle de ses vœux. Le troisième temps sera celui du bilan et de la reconduite des négociations de paix. Dans le contexte actuel, les partenaires économiques israéliens du Maroc ont été appelés à restreindre leurs déplacements dans les pays arabes, les chambres de commerce bilatérales annulent leurs visites, et les grandes conférences économiques sectorielles sont également ajournées. Les entrepreneurs et chefs d’entreprise marocains, qui commençaient tout juste à bénéficier des savoir-faire et des capacités technologiques israéliennes, sont aujourd’hui précautionneux sans pour autant mettre un terme à leurs ambitions de partenariat à long terme », nous confie un expert du Moyen-Orient.
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De son côté, l’expert en géopolitique Anas Abdoun revient sur la question de la diplomatie économique marocaine. « Un risque majeur réside dans une possible escalade du conflit, en particulier avec le Hezbollah dans le sud du Liban, ce qui pourrait entraîner une hausse considérable des prix du pétrole et, par conséquent, exercer une pression négative sur notre balance commerciale ». Et d’ajouter : « Quant à l’impact de ce conflit sur les accords d’Abraham, la question cruciale est de savoir s’il est nécessaire de choisir entre les intérêts économiques et la confrontation. Il devient de plus en plus difficile de mettre en évidence les retombées positives des accords d’Abraham, surtout au vu de la situation actuelle à Gaza, qui s’apparente à un véritable génocide selon la définition même du droit international. Les pays signataires doivent maintenant évaluer la pertinence de maintenir ces accords, comme en témoigne le récent recul de l’Arabie saoudite sur une possible normalisation. Quelle que soit la décision concernant la poursuite ou l’arrêt de la normalisation, il est crucial d’examiner toutes les options possibles et de déployer des instruments juridiques, diplomatiques et politiques pour exercer une pression sans nécessairement aboutir à une confrontation directe. Il est primordial de reconnaître que les pertes de vies humaines, notamment civiles, ne peuvent rester sans conséquences ».
Quel modèle de diplomatie de paix ?
Aujourd’hui, dans la région, la paix est un impératif absolu. Pour Yasmina Asrarguis, « Il ne peut y avoir d’avenir pour la région sans paix durable ». « Comme l’indique mon rapport pour le Prix Charlemagne, The Holy Grail of Middle East Peace, la paix peut suivre le modèle de négociations et de diplomatie des Nations Unies, qui nous a permis depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale d’éviter une nouvelle guerre mondiale. Néanmoins, comme le proposent des personnalités de paix comme le groupe de Palestiniens dirigé par l’avocate Hiba Husseini, le modèle de paix conduisant à une solution à deux États pourrait également bénéficier des enseignements de l’Union européenne et s’inspirer du modèle de confédération. Ce type de coopération permet de coexister avec son voisin et de trouver des solutions aux problèmes. Une confédération permettrait de conserver l’État juif et l’État palestinien selon Yossi Beilin, également favorable à cette idée », explique l’experte.