Non, le Maroc n’est pas une puissance occupante au Sahara « occidental » [Par Samir Bennis*]
La tribune de Gilles Devers, avocat du Polisario auprès de l’Union européenne, sur la question du Sahara, publiée sur le journal Le Monde, devrait interpeller la conscience de toute personne allergique aux contre-vérités et aux approximations. A ses yeux, le Maroc serait une puissance occupante, voire un Etat voyou qui bafoue le droit international en toute impunité.
* Analyste politique, Conseiller politique à Washington et Fondateur de Morocco World News
Gilles Devers ignore ou confond sciemment des faits historiques dans sa quête d’induire en erreur le public non-avisé. Dans son analyse foncièrement à charge contre le Maroc, Devers passe sous silence que le Maroc a été le seul pays à revendiquer le territoire entre 1956 et 1965. La Mauritanie a commencé également à le revendiquer pour pousser le Maroc à le reconnaître comme un Etat indépendant. Aussi, la tribune ne dit rien sur le fait que c’est à l’initiative du Maroc, en décembre 1966, que l’Assemblée Générale de l’ONU a adopté la résolution 2229 demandant à l’Espagne de permettre aux Sahraouis de décider de leur avenir. Jusque-là, l’assemblée onusienne appelait l’Espagne à négocier avec le Maroc le sort d’Ifni et du « Sahara espagnol ». Ensuite, parce que l’Espagne n’a montré aucune volonté de le faire, le Maroc a mis plus de pression sur elle et l’a appelé à permettre aux Sahraouis de disposer d’eux-mêmes par le biais d’un référendum. Lorsque le Maroc a opté pour cette option, il a précisé que cela ne signifiait en aucun cas qu’il renonçait à ses revendications de souveraineté sur le territoire.
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L’auteur passe également sous silence le fait que lors du 18e sommet de l’Organisation de l’unité africaine au Kenya, en juin 1981, le roi Hassan II a proposé la tenue d’un référendum, qui devait avoir lieu en 1982. L’Algérie et le Polisario l’ont refusé. En outre, le Polisario a refusé la proposition du Maroc de baser le référendum sur le recensement de 1974. Face à l’échec de l’ONU d’organiser le référendum, Kofi Annan, le secrétaire général, a en février 2000 instruit son envoyé personnel à explorer les moyens de parvenir à une solution politique consensuelle. Entretemps, lors d’une rencontre avec Baker en novembre 2001 au Texas, le président algérien Abdelaziz Bouteflika a proposé la partition du territoire, ce que le Maroc a rejeté. Si l’Algérie et le Polisario tiennent tant à l’autodétermination, pourquoi ont-ils bafoué ce principe deux fois : en 1981 et en 2001 ?
Le Polisario n’est pas le représentant légitime de tous les Sahraouis. Il a été créé par des Sahraouis hors du territoire et est resté en exil. Ainsi, il ne peut prétendre représenter tous les Sahraouis, y compris ceux qui vivent au Sahara. Il ne représente que les Sahraouis sans voix dans les camps de Tindouf, dont la majorité provient du Niger, du Mali, de la Mauritanie et de l’Algérie. Il a créé sa légitimité par des moyens trompeurs et grâce au soutien de l’Algérie et à des médias dont la couverture tend à omettre les subtilités et nuances du conflit. Le seul représentant légitime des Sahraouis était la Jemaa ou assemblée, qui fut élue par les chefs de tribus et représentait tous les Sahraouis. Le 12 octobre 1975, la Jemaa et le Polisario ont tenu une réunion à Ain Bentili au terme de laquelle le Polisario a déclaré qu’il étudierait la proposition de la Jemaa. Fin octobre, la Jemaa a tenu un meeting à Gueltat Zemmour. Selon le journaliste américain David Lynn Price, il existe trois versions sur les conclusions de cette rencontre. Selon la première version, 74 membres sur les 103 membres de la Jemaa ont voté en faveur de l’intégration avec le Maroc et la Mauritanie. Selon la deuxième version défendue par l’Algérie, 67 ont prêté allégeance au Polisario en tant que représentant légitime des Sahraouis.
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Dans la troisième version, Bachir Oueld Brahim, membre de la Jemaa, a été enlevé par le Polisario alors qu’il se trouvait à Gueltat Zemmour pour se rallier au Maroc. Brahim a été battu et emmené en Algérie. En plus de lui, 86 membres de la Jemaa ont été arrêtés et emmenés en Algérie. Pendant son séjour à Tindouf, Brahim a affiché son soutien à l’Algérie. Mais en janvier 1976, il parvient à regagner le Maroc. De retour au Maroc, il jure allégeance au roi Hassan II. Khatri Ould Sidi Said El Joummani, chef de la Jemaa, a juré allégeance au Maroc immédiatement après la réunion de Gueltat Zemmour. De nombreux Sahraouis ont suivi les traces de Brahim après la Marche verte, sont retournés au Maroc et ont exprimé leur désillusion face à la façon dont l’Algérie a repris le Polisario et l’a utilisé à son avantage. Selon d’anciens membres du Polisario, tels que Mustafa Salma Oueld Sidi Mouloud et Bachir Edkhil, la Jemaa n’a jamais cédé sa légitimité au Polisario, car il y avait des désaccords fondamentaux entre les deux. La Jemaa a cherché à trouver une solution pacifique à la question du Sahara, tandis que le Polisario a choisi la lutte armée avec le soutien de l’Algérie et de la Libye.
Devers ressasse également le mythe selon lequel la décision de la CIJ de 1975 a établi que le Maroc n’avait aucune souveraineté sur le Sahara. Ce faisant, non seulement il a délibérément omis de dire que le jugement a reconnu l’existence de liens d’allégeance entre les tribus Sahraouies et le Maroc, mais il a également ignoré les opinions dissidentes de certains juges qui ont pris part au jugement. L’un d’eux était le juge Fouad Ammoun qui a déclaré qu’il existait des liens juridiques à caractère politique entre le territoire du Sahara et le Maroc. Et d’ajouter « qu’en tout état de cause, l’allégeance au sultan équivalait à l’allégeance à l’État ».
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Le second était le juge Forester qui a exprimé son désaccord catégorique avec la conclusion de la CIJ. Il a en particulier exprimé sa consternation face à la manière euro-centrée avec laquelle les juges ont abordé le conflit, comme si la structure étatique du Maroc devait ressembler à la structure étatique des pays européens. Pour Forester, la CIJ aurait dû faire l’effort de ne pas voir les problèmes africains à partir de grilles de lecture foncièrement européennes. Outre Forester et Ammoun, le juge Boni a remis en cause le caractère légal de l’arrêt de la CIJ. Alors même qu’il avait voté en faveur des deux questions portées devant le tribunal, Boni est resté convaincu que ce dernier ne tenait pas suffisamment compte du « contexte local ». Il a déclaré que le tribunal avait ignoré les liens religieux entre les sultans marocains et les Sahraouis, liens en vertu desquels les sultans étaient les commandants des fidèles. Il a dit que la population locale considérait les sultans comme leurs chefs pour les affaires religieuses et temporelles.
Contrairement aux allégations de M. Devers, le verdict consultatif de la CIJ n’est plus une référence dans le processus onusien de résolution du différend autour du Sahara. Désormais, ce sont les résolutions du Conseil de sécurité qui constituent la principale référence pour toute discussion sur la solution à adopter pour sortir de l’impasse politique et diplomatique. Or depuis 2007, toutes les résolutions du conseil de sécurité mettent un accent particulier sur le fait que toute solution du conflit devrait être basée sur le compromis et guidée par le réalisme.
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L’option de l’indépendance est irréaliste, car le Maroc n’acceptera jamais l’établissement sur une partie de son territoire d’un État indépendant qui dans les faits serait un État satellite tributaire de l’Algérie, ce qui bouleverserait l’équilibre stratégique dans la région. Établir un pays de moins de 80 000 habitants (sur la base du recensement espagnol de 1974 défendu par l’Algérie et le Polisario) sur une superficie de plus de 300 000 km2, c’est accepter la création d’un autre État dans un corridor Sahélo-Saharien en proie à d’incessantes vagues d’insécurité. Supporter le séparatisme au Sahara, c’est donc s’ouvrir à l’idée de fournir un terreau propice à l’implantation des groupes terroristes et des organisations criminelles transnationales.