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OCDE : la méthode PISA n’est pas du goût du HCP !

Depuis 2000, l’étude de l’OCDE porte un regard très critique sur les systèmes éducatifs. En France, ce rapport a fait couler beaucoup d’encre, ces dernières années. Au Maroc, dans le même esprit, un récent rapport sur l’économie nationale et des « allégations » ont provoqué la colère du Haut-Commissariat au plan (HCP).

On ne pourra pas reprocher à l’OCDE d’avoir changé de ligne. Depuis les années 2000, à chaque publication, à chaque nouvelle édition, les ministères de l’Éducation tremblent. Dans son rapport PISA, l’OCDE demeure très critique sur les systèmes scolaires. En France, en particulier, les critiques à l’endroit de ce rapport n’ont pas manqué, ces dernières années. Les détracteurs de PISA affirment sans détour que l’OCDE est un organisme international au service du capitalisme mondialisé et des politiques économiques néolibérales, qui transmettrait des injonctions aux gouvernements contre les services publics. Une stratégie qui viserait, selon les plus acerbes, à ruiner l’école publique pour privatiser, de manière progressive, le secteur de l’éducation. Au Maroc, récemment, l’esprit de la méthode PISA a subi les foudres du HCP.

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Dans son dernier rapport sur les performances économiques du Maroc, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a critiqué le fonctionnement du HCP. Intitulé « Études économiques de l’OCDE : Maroc 2024 », le document de 161 pages, publié le 11 septembre, explique le manque de recherches auprès des ménages et sur les investissements publics. « Le manque de statistiques et de données exhaustives, au bon moment et de qualité, constitue un obstacle majeur à l’efficacité de l’élaboration des politiques publiques au Maroc. Des indicateurs fondamentaux de comptabilité nationale et un large éventail de statistiques sont publiés. Ces informations présentent cependant de nombreuses lacunes en termes de couverture et d’actualité. Il manque souvent des informations méthodologiques. Les informations statistiques sont publiées par divers organismes publics et il n’existe pas de plateforme en ligne unique de diffusion des données », lit-on dans le rapport.

La rareté des enquêtes pointée du doigt !!

Selon l’OCDE, les quelques enquêtes disponibles datent de 2014. Le Haut-Commissariat au plan, qui est un organisme de statistique indépendant, n’aurait donc pas effectué d’enquêtes au cours de ces dernières années, ou du moins ne les aurait pas rendues publiques.

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« D’autres catégories de données étaient auparavant disponibles, mais elles ne sont plus produites depuis quelques années, alors qu’elles seraient essentielles à l’analyse de certaines questions économiques majeures. On peut citer à cet égard les enquêtes sur l’économie informelle, dont la dernière remonte à 2014. Le HCP n’a en effet effectué aucune enquête de recensement économique auprès des ménages, ni d’enquêtes sur l’investissement public depuis la même année, bien que le recensement de la population soit en cours comme prévu. En outre, les résultats de nombre de ces enquêtes n’ont été diffusés que 4 à 5 ans après leur réalisation, ce qui a diminué leur utilité et leur intérêt global. »

Outré par les affirmations de l’OCDE, la réaction du Haut-Commissariat au plan ne s’est pas fait attendre ; il a fourni des réponses à tous les points soulevés par l’organisation mondiale. « Nous sommes surpris par la critique formulée à l’égard des données publiées », estime le HCP dans un communiqué daté du 13 septembre. Sur la mise à disposition des résultats de ses travaux, l’organe dirigé par Ahmed Lahlimi Alami indique également que « toutes les séquences des comptes nationaux, ainsi que les tableaux de synthèse, les rapports annuels, les nomenclatures des produits et des activités économiques et les comptes des 12 régions du Maroc sont publiés régulièrement sur [son] site sous formats PDF et Excel, avec de longues séries d’agrégats disponibles depuis 1980 ».

Les normes du Système de Comptabilité nationale des Nations-unies, strictement respectées par le HCP !

Poursuivant, l’institut public déclare : « Les normes du Système de comptabilité nationale des Nations-unies constituent la seule référence pour valider la crédibilité des comptes nationaux lors de leur évaluation par des organismes régionaux et internationaux spécialisés. Ce domaine bénéficie d’une attention particulière de la part d’organisations telles que le FMI, qui envoie chaque année des équipes d’experts au Maroc pour suivre les travaux de la comptabilité nationale menés par le HCP et recueillir les données pour ses analyses et prévisions de l’économie nationale. Comme gage de sa bonne foi, le HCP rappelle que la comptabilité nationale est partagée avec des institutions comme Bank Al-Maghrib, la Banque mondiale et le FMI, et qu’il s’agit d’un critère « d’admissibilité à la ligne de crédit modulable » que le FMI accorde au royaume chérifien ».

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« Il est regrettable que certaines des informations présentées dans le rapport ne reflètent pas ces éléments et que le HCP n’ait pas été pleinement consulté sur les aspects spécifiques relatifs à ses contributions. Ces inexactitudes peuvent induire en erreur sur la nature des travaux et de l’engagement du Haut-Commissariat au plan en matière de collecte et de diffusion de données ».

Force est de noter que le HCP et l’OCDE entretiennent une longue histoire de coopération à plusieurs niveaux, à travers des conventions, des échanges de données, l’organisation de conférences et le travail collégial au sein des groupes de travail de l’OCDE.

Nous invitons l’équipe de l’OCDE responsable du rapport « Études économiques de l’OCDE : Maroc 2024 » à revoir ses propos et à les corriger sur une base factuelle afin de garantir que le rapport reflète fidèlement les efforts consentis par le HCP dans le renforcement de l’appareil statistique national », conclut-il.

Quelle lecture devons-nous faire ?

Pour comprendre, Challenge a fait appel à l’économiste Ahmed Azirar qui, depuis quelques années, dénonce dans ses écrits la guerre des chiffres au Maroc. « Le Roi Mohammed VI en personne a appelé, il y a quelque temps, à transformer le HCP en une agence mieux équipée, matériellement et humainement. Ceci est bien le vœu de beaucoup d’utilisateurs de divers bords, pour une meilleure quiétude. Cette transformation est en cours certainement. Toujours est-il que rien n’empêche les universités, les syndicats, les associations professionnelles… de créer leurs systèmes statistiques et d’entreprendre des études et enquêtes pour leurs propres besoins (l’essentiel est que les méthodologies adoptées soient scientifiques et publiées). Aujourd’hui, la critique véhiculée par le rapport de l’OCDE est-elle un coup de pouce voulu pour accélérer la transformation du système statistique marocain ? C’est comme si… De toute façon, les États modernes savent que rien ne vaut des statistiques aussi justes que possibles. Et que les bons comptes font les bons amis ! Même s’ils savent également qu’on peut faire dire aux statistiques des choses bien contradictoires ! », prévient l’économiste.

Et de poursuivre : « En tant qu’utilisateur des statistiques tant marocaines qu’africaines et mondiales, en ma qualité d’universitaire et d’acteur associatif, et ce, depuis les années 1980, je ne pourrai que témoigner du grand professionnalisme et de la neutralité des cadres du système statistique marocain. Je me souviens de discussions animées avec certains de ces cadres, face auxquels je défendais parfois des positions bien plus soft comparées aux leurs. En tant qu’enseignant, j’ai eu aussi à vérifier l’application stricte par le Maroc des normes comptables universelles, parfois même parmi les premiers pays au monde ».

 
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