Santé

Pharmacies : quand les étagères font grève

Dans la plupart des pharmacies, il est aujourd’hui difficile de s’y rendre avec une ordonnance et d’obtenir immédiatement tous les médicaments. À défaut d’un marathon interminable, c’est par commande spéciale que la solution se trouve. Décryptage !

Au Maroc, comme partout dans le monde, la santé, en tant que composante du capital humain, est l’un des secteurs fondamentaux de développement et de croissance économique. Elle reste au centre des préoccupations des pouvoirs publics. Selon une étude de l’OMS, un individu en bonne santé est économiquement plus productif et contribue ainsi à la croissance économique, car le niveau de santé influence directement la productivité des travailleurs. C’est pourquoi tous les pays considèrent ce secteur comme essentiel pour le développement socio-économique.

À la lumière de ce principe, un nouveau rapport du Réseau marocain pour la défense du droit à la santé (RMDDS) tire la sonnette d’alarme sur ce qu’il qualifie d’impuissance face au lobby des entreprises pharmaceutiques qui engrangent des profits exorbitants au détriment de la santé des citoyens marocains. Ce rapport s’interroge sur la stratégie de l’Agence marocaine des médicaments et des produits de santé pour élaborer une politique pharmaceutique nationale garantissant la sécurité et la souveraineté sanitaire. Il interpelle également le Conseil de la concurrence, qui, selon le document, « tarde à exercer ses pouvoirs constitutionnels pour lutter contre le monopole et l’enrichissement illégal, et éviter l’échec du système de protection sociale et de l’assurance maladie ».

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Ce rapport intervient dans un contexte où les prix des médicaments au Maroc dépassent de trois à quatre fois ceux pratiqués en Belgique et en France. Une étude menée par la CNOPS et l’administration des douanes a révélé des écarts atteignant parfois 1 000 %, notamment pour les traitements des maladies chroniques. Pourtant, il convient de rappeler que, six mois plus tôt, le gouvernement avait pris une mesure visant à exonérer certains médicaments de la TVA, au Maroc et à l’importation, afin de réduire les dépenses médicales et d’améliorer l’accès des citoyens aux traitements essentiels.

Cependant, les conjonctures mondiales ont exacerbé les tensions autour des chaînes d’approvisionnement. En mars, environ 1 200 médicaments, soit 19,3 % des 6 211 références disponibles, manquaient dans les pharmacies marocaines, selon la presse, contre seulement 1 à 2 % en 2019, d’après le ministère de la Santé.

La rareté est-elle source de valorisation de l’offre ?

Contacté par Challenge pour comprendre les causes de la rareté de certains médicaments, Al Mountacer Charif Chefchaouni, gestionnaire hospitalier et expert international en santé, explique que cette situation repose sur une double causalité. « Il y a deux causes : la première est la suppression de la TVA, qui a perturbé la chaîne d’approvisionnement, depuis les laboratoires jusqu’aux grossistes et pharmaciens d’officine. Cela a entraîné des ruptures dans un marché international déjà marqué par de grandes pénuries. La seconde cause réside dans le mode de gestion des officines, où les pharmaciens limitent leurs stocks pour éviter de bloquer leur trésorerie ou de perdre des produits coûteux à cause de la péremption. »

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De son côté, le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Khalid Aït Taleb, a expliqué lors d’une séance plénière à la Chambre des représentants que les problèmes d’approvisionnement sont dus à plusieurs facteurs, notamment la disponibilité des matières premières, le processus de fabrication et la distribution des médicaments. Ces difficultés se répercutent directement sur les clients, dernier maillon de la chaîne. Pour le RMDDS, le droit à la santé et aux médicaments ne peut être soumis aux lois du marché. L’organisation appelle à une réforme urgente du système pour garantir une couverture médicale équitable et accessible, tout en mettant fin aux abus des multinationales.

Quand la FMIIP prévenait

Dans une note publiée à la suite de l’annonce du gouvernement, la Fédération marocaine de l’industrie et de l’innovation pharmaceutiques (FMIIP) avait alerté sur les conséquences. « Ladite mesure impactera directement le coût de production de 20 % des établissements pharmaceutiques industriels, d’autant plus qu’elle ne pourra pas être répercutée sur les prix publics de vente, qui sont fixés par décret. Elle constituera une menace à la compétitivité des produits pharmaceutiques fabriqués localement et favorisera leur importation, freinant ainsi l’investissement », expliquait la note.

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Avec un poids de 1,5 % au PIB national, 53 établissements pharmaceutiques industriels (EPI) et un chiffre d’affaires annuel avoisinant 17 milliards de dirhams, l’industrie pharmaceutique est la deuxième activité chimique du Maroc après celle des phosphates. La FMIIP prévoit qu’à l’horizon 2035, le secteur atteindra un chiffre d’affaires de 80 milliards de dirhams, comptera 110 unités industrielles et générera 150 000 emplois directs et indirects, tout en augmentant les investissements en recherche et développement (R&D) pour atteindre 5 % du chiffre d’affaires.

 
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