Productivité, croissance, densité… Ce qu’en dit le premier rapport des micro-données du secteur des TPME
L’Observatoire marocain des TPME et la Banque mondiale ont présenté, mardi 15 octobre à Rabat, une étude conjointe traitant des micro-données du secteur de la Très Petite, Petite et Moyenne Entreprise. Une approche adoptée pour la première fois au Maroc, alors qu’elle est très utilisée dans les économies développées.
«L’utilisation des micro-données a permis d’obtenir des insights plus précis et nuancés et qui ne peuvent pas être identifiés en utilisant des données agrégées. Cette approche a aussi permis de comparer le Maroc à ses pairs structurels et aspirants», a expliqué Amal Idrissi, Directrice exécutive de l’OMTPME. Le rapport, qui examine la période 2016-2019 avant le déclenchement de la crise du Covide-19, a identifié des distorsions dans le marché, qui ne semble pas récompenser les entreprises le plus productives, et une mauvaise allocation des ressources, qui ne sont pas transférées de manière optimale des entreprises moins productives vers les plus productives. Lesdites distorsions freinent la croissance des entreprises les plus productives et, par conséquence, impacte négativement le marché de l’emploi.
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L’économie marocaine «fait face à des tendances préoccupantes, mais il existe également des opportunités à saisir malgré les défis», a soutenu Mme Idrissi, notant que le principal enseignement de l’étude reste «l’augmentation notable de la densité des entreprises, bien que cet indicateur doit être interprété avec prudence en raison de la prolifération d’entreprises inactives».
Javier Diaz-Cassou, économiste principal de la Banque mondiale pour le Maroc, s’est longtemps attardé sur la problématique de la productivité des entreprises, estimant qu’elle pénalise la croissance et la création d’emplois, de même qu’elle pourrait constituer un obstacle à la réalisation du Nouveau modèle de développement dans le Royaume.
L’étude, intitulée «Libérer le potentiel du secteur privé marocain », constate que la productivité des entreprises est faible, quoiqu’elle elle augmente avec l’âge mais seulement jusqu’à cinq ans pour les 53% qui arrivent à survivre. Après 5 à 6 ans d’existence, elle tend à stagner ou à diminuer. Ce constat est en décalage avec la tendance observée dans les économies avancées, où la productivité est souvent corrélée avec la taille et l’âge des entreprises.
Quadruplement de la densité des entreprises en quelques années
D’après le rapport, la densité d’entreprises formelles (par rapport à la population) a considérablement augmenté au Maroc et se compare favorablement avec la plupart des entreprises des pays pairs. Depuis 2006, le nombre net de SARL a connu une croissance soutenue, entraînant un quadruplement de la densité des entreprises durant cette période.
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Avec 29,7 sociétés à responsabilité limitée (SARL) pour 1 000 habitants, la densité des entreprises au Maroc dépasse celle de la plupart des pays du groupe de comparaison. Toutefois, cet indicateur est quatre à cinq fois plus élevé dans les économies avancées, comme l’Espagne et le Portugal. En ce qui concerne la densité de nouvelles entreprises, le Maroc surpasse également la plupart de ses pairs (Albanie, Algérie, Bosnie, Colombie, Egypte et Inde), à l’exception de l’Espagne et du Portugal.
Les entreprises font du surplace en matière de chiffres d’affaires
La taille moyenne des entreprises marocaines a au mieux stagné ces dernières années. Le chiffre d’affaires moyen des TPE a baissée 1,6 million de DH en 2017 à 1,4 million de DH en 2020, alors que celui des moyennes et grandes entreprises n’a augmenté que modérément (de 361 millions de DH en 2017 à 368 millions en 2021). Le nombre d’emplois a aussi diminué, passant de 12 à 11 emplois pour les TPE et de 371 à 343 emplois pour les moyennes et grandes entreprises. Cette stagnation de la taille des entreprises marocaines est observée pour toutes les tranches d’âge.
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Les revenus moyens ont augmenté davantage dans les entreprises en activité depuis au moins 10 ans que dans les entreprises plus jeunes Les entreprises marocaines croissent lentement avec l’âge. Une entreprise marocaine active depuis 15 ans emploie en moyenne 187 % de travailleurs en plus qu’une entreprise de 1 an ayant une activité similaire. Cette relation âge-taille est très proche de celle observée au Viet Nam, l’un des pays pairs aspirationnels du Maroc. Cependant, cette relation est en grande partie due à la sortie progressive (de facto) des plus petites entreprises, qui ont cessé leurs activités à un rythme plus élevé que leurs homologues plus grandes.
La productivité, ce talon d’Achille
Les résultats révèlent que la productivité du secteur privé formel n’a pas connu d’améliorations significatives au cours de la période considérée. Même si l’entreprise marocaine moyenne est devenue plus productive au cours de cette période, la main-d’œuvre a eu tendance à se déplacer vers des entreprises moins productives, signe d’inefficiences allocatives. Les marchés marocains ne récompensent pas les entreprises plus productives, comme en témoigne le fait que les entreprises plus grandes et plus anciennes soient moins productives que leurs homologues plus petites et plus jeunes.
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Les performances récentes du secteur formel en matière de productivité du travail ont été faibles. Entre 2016 et 2019, la productivité du travail dans le secteur formel a augmenté de 2,2 %, soit une performance inférieure à celle du reste de l’économie, qui a vu la productivité du travail augmenter de 5 % au cours de la même période. Cette croissance modérée de la productivité pourrait en partie refléter l’expansion progressive du secteur formel par la formalisation progressive d’entreprises moins productives, ce qui est une évolution positive. Cependant, elle montre également qu’il existe de nombreuses possibilités de promouvoir un processus de croissance de la productivité plus solide et plus soutenu dans le tissu productif marocain.
Les auteurs du rapport considèrent que les politiques publiques devraient viser à promouvoir l’expansion et le développement du tissu des entreprises formelles, en s’attaquant aux principales contraintes qui freinent son potentiel de contribution à la croissance globale et à la création d’emplois.