Quelle place pour la RAM dans un ciel africain qui se recompose?
RAM, Kenya Air, Ethiopian Airlines… Les grandes compagnies qui dominent le marché ouest-africain commencent à voir de nouveaux arrivants.
Après Air Sénégal il y a quelques années, c’est au tour d’Air Côte d’Ivoire de démarrer ses vols à destination de Casablanca. Aujourd’hui, on assiste à une véritable recomposition du ciel en Afrique. Longtemps dominé par de grands noms tels que Royal Air Maroc, Ethiopian Airlines et Kenya Airways, le secteur de l’aérien africain devient un espace de plus en plus concurrentiel. Avec sa nouvelle stratégie symbolisée à travers une signature institutionnelle très ciblée sous les slogans : « Dream Africa » et « Meet Morocco », Royal Air Maroc affiche des ambitions grandissantes sur le continent.
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Après avoir été ébranlée comme tant d’autres compagnies par l’impact de la pandémie, RAM vise à quadrupler son activité au cours des 15 prochaines années en faisant l’acquisition de 10 nouveaux appareils par an. L’objectif est d’exploiter une flotte de 200 appareils pour transporter 31,6 millions de passagers d’ici 2037.
L’Afrique figure ainsi parmi ses priorités, puisque la campagne Dream Africa a été déployée dans 28 pays, dont 17 sur le continent. Autre concurrent à prendre au sérieux, Ethiopian Airlines, avec sa flotte de 140 appareils. Une flotte qui devrait presque doubler pour atteindre les 271 aéronefs d’ici 2035, la compagnie ayant notamment annoncé l’achat de 84 appareils lors du dernier salon de Dubaï. Ethiopian Airlines dessert depuis son hub d’Addis-Abeba un réseau de 133 destinations passagers, ce qui en fait le transporteur déployant le plus de vols en Afrique. Ces dernières années, les transporteurs d’Afrique du Sud et du Kenya, quant à eux, ont traversé une phase de turbulence financière mais demeurent toujours dans la course. Ils font partie, avec les deux autres cités précédemment, du top 100 des meilleures compagnies du monde.
Les destinations ouest-africaines que tous courtisent
Nouveaux venus et anciennes compagnies… Tous observent avec attention l’appétissant marché ouest-africain. South African Airways, par exemple, qui a frôlé la liquidation en 2020, a ainsi fait d’Abidjan sa douzième destination africaine, desservie trois fois par semaine. Air Sénégal, lancée en 2018 après la faillite de Sénégal Airlines et 9 ans après la disparition d’Air Sénégal International, prend le relais et essaye d’éviter les turbulences. Misant beaucoup sur l’Afrique, la compagnie dessert de Dakar vers Nouakchott (Mauritanie), Abuja et Lagos (Nigeria), ainsi qu’Accra (Ghana) et également Casablanca. En direction du continent, Air Sénégal a basé sa stratégie sur le low-cost.
« Le vrai modèle économique des compagnies low-cost est basé sur trois principes : une offre épurée et claire, une réduction des coûts sans intermédiaire et un partage de valeur avec le client. Il va sans dire que le low-cost ne peut être compétitif qu’avec la baisse de certains services réduits ou transférés vers les clients, comme l’enregistrement, les bagages et les repas payés en sus. Il semble cependant que certaines compagnies de petites tailles se sont lancées dans le low-cost en réduisant sa valeur ajoutée à la seule variable tarifaire, tout en sacrifiant la sécurité des passagers en utilisant des appareils à risque, du personnel naviguant moins formé et âgé, misant sur la patience des passagers en multipliant les retards et les incidents », alerte l’économiste Abdelghani Youmni.
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À la différence de RAM, Air Sénégal propose des tarifs assez bas, mais diminue le service (escales longues, retards, service minimal). « Des retards excessifs. Nous pensons que nous payons la différence de RAM en inconfort et surtout en dommage. Après un vol pénible, je n’ai pas été au bout de mes peines en constatant que j’ai perdu une de mes valises », nous confie une source lors de sa dernière expérience avec Air Sénégal. « Le business model low-cost mérite le respect, si sa logique sous-jacente va dans le sens de la réduction de coûts dispensables, sans transiger nullement avec les normes de sécurité ou encore avec l’expérience client, en termes de retards et déprogrammations notamment. Ainsi, si un usager, en pleine connaissance de cause, est pleinement d’accord pour payer un billet d’avion moins cher, mais accepte en retour de passer par des aéroports moins centraux ou de voyager à des horaires matinaux ou tardifs, je ne vois absolument pas en quoi ce business model serait problématique.
En revanche, tout débat sur la maintenance des avions, le temps de repos des pilotes ou autres sujets ayant trait à la sécurité ne serait absolument pas concevable, car il s’agit de préalables indiscutables », nuance Hicham Alaoui, CEO d’Allianz Trade. Air Côte d’Ivoire, qui doit commencer le 14 mai, affiche de son côté des tarifs de 9000 DH (saison normale) pour un trajet Abidjan-Casablanca, une démarche loin du low-cost.
Les avantages économiques de la libéralisation des transports aériens
Un rapport de recherche publié récemment par le bureau de l’économiste en chef de la division Infrastructures de la Banque mondiale (Toward a Competitive Air Transport Market in Africa: The Role of Bilateral Air Service Agreements Liberalization) apporte un éclairage supplémentaire sur les mérites économiques de la libéralisation. Cette analyse montre ainsi que les accords bilatéraux entraînent une diminution du tarif des vols, de même qu’une augmentation de leur fréquence et de la demande en trajets aériens.
Les effets de l’ouverture des marchés du transport aérien se manifestent sous différents aspects : baisse des prix ; concurrence accrue ; augmentation de la fréquence des vols.
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« Chacun de ces effets directs entraîne une hausse de la demande, imputable à la baisse des tarifs comme à l’augmentation de la fréquence des vols. L’augmentation de la demande a en outre des conséquences indirectes sur les prix via des économies de densité, d’une part, et sur la fréquence des vols via des économies d’échelle, d’autre part », explique le rapport.
Et selon les experts de la banque, les effets de la libéralisation sur le prix du billet se traduisent en gains importants, au bénéfice du consommateur, de l’ordre de 330,3 millions à 424,4 millions de dollars (soit 29 % à 37 % des recettes produites par le transport aérien de passagers).