Interview

Reda El Arbaoui: « Le Maroc a tout à gagner à investir dans le secteur des drones »

À l’aube de cette 4e révolution industrielle, de nouveaux outils technologiques commencent à prendre pleinement leur place dans la société. Au Maroc, l’enjeu est de se positionner sur ces niches.

L’utilisation des drones dans l’agriculture a permis une amélioration de la productivité, en moyenne, d’au moins 5 %, avec une économie d’eau de plus de 10 % dans les cultures faisant l’objet de l’expérimentation, estime la Banque africaine de développement (BAD) dans une note sur l’essor de cette technologie en Afrique. Surveillance, agriculture, évaluation des stocks miniers, inspection des éoliennes… Les drones ont dépassé depuis longtemps le stade du simple jouet high-tech pour devenir un outil à forte maturité technologique qui diversifie ses compétences dans presque tous les secteurs, même les plus traditionnels.

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Selon le rapport de l’expert en technologie Tractica, publié en 2022, « le marché des drones continuera à croître rapidement au cours des prochaines années tout en offrant des opportunités considérables aux différents acteurs du secteur, générant un chiffre d’affaires mondial total, incluant matériels et services, de quelque 13,7 milliards de dollars à l’horizon 2025 ». Toujours selon ce rapport, la demande en drones est motivée par le retour sur investissement rapide que ces machines offrent aux principaux secteurs. Au Maroc, le secteur demeure pour l’heure embryonnaire et tente de se frayer une place dans l’économie nationale. Dans cette interview accordée à Challenge, Reda El Arbaoui, CEO de DR Stone, lève le voile sur cette filière.

Challenge. Depuis un moment, les robots volants commencent à prendre place dans notre société. Comment imaginez-vous l’avenir des drones au Maroc ?

Reda El Arbaoui. Je pense que le drone au Maroc occupe toute sa place dans la mesure où on le voit présent dans de nombreux secteurs tels que la topographie, l’agriculture, le bâtiment et, depuis deux ou trois ans, l’inspection des éoliennes, des panneaux solaires, des parcs solaires… Donc, à la question de savoir quel est l’avenir du drone au Maroc, je pense que cela dépendra en grande partie de l’avenir du drone dans le monde. De la même manière que le drone sert les industries, il permet de réaliser des économies de coûts et d’accéder à des informations autrefois réservées aux grandes entreprises, et ce sera également le cas au Maroc. Nous commençons à comprendre que l’utilisation des drones au Maroc suit le chemin de leur utilisation en Europe et en Amérique. Certes, les facteurs humains et administratifs influenceront ces usages, mais globalement, nous suivons une trajectoire similaire.

Par ailleurs, je pense qu’au même titre que le Rwanda, le Maroc a également réalisé des avancées. Nous avons, par exemple, réalisé des inspections éoliennes entièrement automatisées au nord et au sud du Maroc, en utilisant des procédés d’intelligence artificielle. Nous pouvons donc affirmer que le Maroc a aussi sa place dans ce domaine. Les topographes font aujourd’hui un travail remarquable grâce aux drones.

Cela dit, il ne faut pas occulter la problématique de la réglementation. Aujourd’hui, la réglementation au Maroc réserve l’utilisation des drones à certaines entreprises qui ont effectué les démarches nécessaires. Or, comme ces démarches sont longues et exigeantes, elles excluent de fait un grand nombre de startups souhaitant investir dans ce domaine. J’attire aussi votre attention sur le fait que l’avenir du drone ne repose pas tant sur le matériel (hardware) que sur le logiciel (software). Les entreprises qui investiront dans cette industrie se concentreront davantage sur le développement de logiciels professionnels (B2B, B2C). Aujourd’hui, la Chine produit 95 % des drones commercialisés dans le monde. Il est donc très difficile de rivaliser avec des pays technologiquement avancés dans ce domaine. Cependant, ces pays ont aussi compris la nécessité d’ouvrir leurs logiciels…

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Quand vous parlez des contraintes liées à la réglementation, pouvez-vous donner plus de détails ?

En théorie, rien ne bloque puisque la procédure est assez transparente : une entreprise doit effectuer ses démarches auprès du ministère de l’Intérieur et du ministère du Commerce extérieur. Cette démarche passe par une interface digitale appelée PortNet (interface de la douane). Cependant, en pratique, l’entreprise n’a aucune visibilité sur les délais d’importation des drones ni sur la quantité qu’elle peut importer. L’assurance constitue également un enjeu majeur, car toute entreprise doit se prémunir contre les risques liés aux drones avec des assurances adaptées. Or, aujourd’hui, la réglementation et les assurances freinent le développement du secteur.

Quelle est la différence entre un drone civil et un drone militaire ?

Il faut bien distinguer ces deux types de drones, car chacun possède son propre écosystème. D’un autre côté, il faut comprendre la position de l’État : ouvrir le marché des drones sans réglementation poserait des problèmes. Un drone peut capturer et transmettre des vidéos sur plusieurs kilomètres à une hauteur considérable, ce qui peut empiéter sur la vie privée et la sécurité. Cependant, la réglementation ne doit pas être un frein. Comme pour les voitures, une bonne réglementation doit encadrer sans limiter abusivement.

Quid des opportunités ?

Je pense que c’est un secteur d’avenir, car il répond à des besoins spécifiques, notamment dans l’industrie 4.0, la photogrammétrie et l’inspection. Le Maroc a tout à gagner à investir dans ce domaine.

 
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