Tourisme

Réforme des agences de voyages au Maroc. Les professionnels inquiets

La profession d’agent de voyage au Maroc est en pleine tourmente. La récente mise en conformité à la loi 11-16, encadrant l’exercice de cette activité, a ravivé les craintes et les interrogations des acteurs du secteur. Dépourvue d’obligations en matière de création d’emplois ou de rapatriement de devises, cette réglementation apparaît comme un frein à un secteur déjà affaibli par la désintermédiation et l’essor des plateformes numériques. 

Le 2 décembre dernier, un rendez-vous marquant pour les professionnels du voyage, devait faire office de date butoir pour se conformer aux nouvelles dispositions de la loi 11-16. Alors que cette loi vise à redéfinir les rôles et responsabilités des agents de voyage, elle semble, selon plusieurs acteurs du secteur, ne pas tenir compte des réalités du terrain. Si certaines mesures sont louables, d’autres suscitent un vent de mécontentement.

Mohamed Semlali, président de la Fédération nationale des associations des agences de voyages du Maroc, a exprimé son désarroi face à la situation actuelle. Selon lui, «la loi 11-16 ne prend pas en compte les défis auxquels sont confrontées les agences de voyages». Et de préciser : «Nous ne sommes pas de simples distributeurs. Nous apportons une valeur ajoutée que la législation actuelle semble ignorer». 

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Ce dernier rappelle d’ailleurs que « concernant la loi 11-16, il est impératif de souligner que la Fédération n’a jamais été associée à son élaboration, ni à la discussion des décrets d’application ». Toujours selon Semlali, «cette situation risque de causer des dommages dramatiques aux agences de voyages. Actuellement, n’importe qui peut ouvrir une agence en seulement 48 heures, sans aucune compétence ni connaissance du secteur. Il suffit de déposer une caution de deux cents mille dirhams à la CDG et le tour est joué ». 

Il rappelle d’ailleurs que dans le cadre de l’ancienne loi, «on imposait des standards clairs pour les agences de voyages, comme la nécessité d’avoir un directeur agréé par le ministère. Cette exigence apportait une garantie de professionnalisme et de compétence dans le secteur. Aussi, la loi précédente stipulait également qu’il fallait embaucher un minimum de cinq personnes pour exploiter une agence. Cela favorisait le développement de l’emploi et garantissait que chaque agence dispose d’une équipe qualifiée pour offrir un service de qualité ».

Un encadrement législatif insuffisant

Le caractère restrictif de la loi 11-16 a suscité des interrogations quant à son efficacité. La loi qui vise à structurer le secteur, fait l’impasse sur des questions essentielles telles que la création d’emplois stables et le rapatriement des devises. «Pourquoi n’y a-t-il pas d’obligations claires en matière d’emplois ? », s’interroge Semlali, qui estime que cela désavantage les agences de voyages locales par rapport à leurs concurrents internationaux.

Les professionnels du secteur appréhendent également que l’absence d’exigences claires favorise une certaine forme de déréglementation, rendant les agences vulnérables face à la concurrence déloyale. 

Il tient toutefois à souligner que « malgré les préoccupations soulevées par la loi 11-16, il est important de reconnaître qu’elle pourrait également constituer une opportunité pour réglementer le secteur et lutter contre l’informalité. En effet, de nombreuses personnes proposent des services de voyage en ligne sans jamais les déclarer. Cette nouvelle législation pourrait aider à mettre de l’ordre dans ce marché en permettant aux agences de voyages qualifiées de rivaliser avec ces offres informelles. En favorisant une concurrence saine, on pourra également garantir une meilleure protection des consommateurs ». 

Concurrence numérique 

Au-delà du volet réglementaire, la montée en puissance des plateformes numériques a profondément transformé le paysage du voyage. Les consommateurs sont de plus en plus attirés par la simplicité et la rapidité offertes par les solutions en ligne. Ce phénomène, souvent désigné sous le terme d’ubérisation, transforme le rôle traditionnel de l’agent de voyage, le réduisant à une simple interface. 

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Semlali souligne également que « les agences de voyages doivent réinventer leur modèle économique pour s’adapter à cette nouvelle réalité ». Toutefois, il prévoit que la réglementation actuelle, en ne leur offrant pas les outils nécessaires pour se démarquer, pourrait les mener à une érosion de leur clientèle.

Pour l’avenir, les agences de voyages espèrent que des discussions ouvertes avec le gouvernement permettront de faire évoluer un cadre législatif jugé désuet. Semlali insiste sur la nécessité d’engager un dialogue constructif afin d’identifier les véritables enjeux auxquels est confronté le secteur. 

«Notre objectif est de moderniser notre profession tout en préservant son essence », déclare-t-il. Les agences de voyages aspirent à être reconnues comme des partenaires clés dans l’expérience de voyage et non comme de simples intermédiaires.

3 questions à Mohamed Semlali // Président de la Fédération nationale des associations des agences de voyages du Maroc

Challenge : Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels les agences de voyages au Maroc sont confrontées aujourd’hui ?      
Mohamed Semlali : Les agences de voyages au Maroc font face à plusieurs défis majeurs. La concurrence accrue des plateformes de réservation en ligne est un problème majeur. De plus, la réglementation du secteur n’est pas assez stricte, ce qui permet à des personnes non qualifiées d’entrer sur le marché. Cela nuit à la crédibilité des agences établies qui investissent dans la formation et la qualité de service.

Challenge : Quel rôle les agences de voyages jouent-elles dans la promotion de la destination Maroc ?
M.S. : Les agences de voyages sont essentielles pour promouvoir le Maroc en tant que destination touristique. Elles offrent des services personnalisés et des conseils adaptés, garantissant une expérience mémorable pour les visiteurs. Contrairement aux plateformes en ligne, elles assurent également un volet de garantie et de sécurité pour les clients. Par exemple, en cas de problème, les agences sont là pour aider et soutenir les voyageurs, ce qui est crucial pour instaurer un climat de confiance, d’autant plus que nous sommes à l’aube de grandes manifestations qui nécessitent d’offrir le meilleur service possible aux futurs voyageurs. 

Challenge :Quelles mesures proposez-vous pour soutenir les agences de voyages à l’avenir ?
M.S. : L’une des mesures nécessaires à mon avis, est la réduction de la TVA à 10 % pour permettre aux agences de rester compétitives. Cela permettra non seulement de stabiliser leurs prix, mais aussi de soutenir le secteur dans son ensemble. De plus, un rapport détaillé sera bientôt présenté à Madame la Ministre pour souligner ces défis et proposer des solutions concrètes. Il est crucial d’agir maintenant, car plusieurs agences éprouvent de réelles difficultés à s’en sortir face à cette concurrence déloyale. Une meilleure réglementation et un soutien accru sont nécessaires pour préserver la diversité et la qualité des services touristiques au Maroc.

 
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