Economie

Immobilier : quand le quitus fiscal paralyse le secteur

La loi entrée en vigueur au Maroc durant l’été 2024, imposant aux opérateurs du secteur immobilier de fournir un quitus fiscal pour toute transaction de vente ou d’achat, continue à susciter le débat.

Ce document, délivré par l’administration fiscale, atteste que l’opérateur concerné ne doit rien au fisc. Cette mesure vise à instaurer plus de rigueur et de transparence dans un secteur connu pour être le gisement d’une grande valeur fiscale.

Cette nouvelle mesure est loin de susciter l’adhésion autant chez les opérateurs économiques que chez les notaires, et pour cause : les opérateurs immobiliers y voient des lourdeurs bureaucratiques qui leur causent des préjudices financiers et d’affaires, et ce, du fait du temps de flottement qu’elle induit entre l’initiation de la transaction et sa conclusion finale.

“Nous avons des engagements avec des acheteurs qui reculent devant les délais de cession trop longs et avec des banquiers qui n’ont que faire des lourdeurs bureaucratiques et qui nous pénalisent financièrement”, nous confie un promoteur immobilier qui préfère garder l’anonymat “tant il est vrai que cette question concerne tout le monde et pénalise toute le monde”, assène-t-il.

Lire aussi | Fiscalité: Le «droit à l’erreur» institué

Du côté des notaires, même son de cloche, avec, cependant, plus de force argumentaire pour décrire les difficultés que ces professionnels, eux-mêmes, rencontrent dans l’exécution de cette mesure jugée trop contraignante. “Il faut rappeler que cette mesure a toujours existé”, nous explique un notaire, ancien membre de la chambre nationale du notariat moderne. “Elle a toujours été appliquée scrupuleusement par les notaires, sous peine de solidarité fiscale, faisant que l’impôt du contribuable était payé avant toute transaction financière”, enchaîne notre interlocuteur qui nous confie, par ailleurs, qu’“Avant de conclure une transaction, on s’assurait toujours de la légèreté ou de la lourdeur foncière et fiscale du dossier, car il importait pour nous de faire respecter l’esprit et la lettre de la loi”.

La nouvelle mesure, qui concerne un quitus fiscal relatif au paiement des taxes d’habitation et des taxes des services communaux, implique l’acquittement de taxes qui représentent des montants dérisoires par rapport aux montants engagés dans une opération immobilière, sachant qu’avant la promulgation de cette loi, “le notaire s’assurait toujours, sous peine de solidarité fiscale, du paiement de ces taxes”, argumente ce notaire.

Lire aussi | Taxe carbone, réforme de l’IR, métaux précieux… les nouveautés fiscales du PLF 2025

Pour ce dernier, ce qui aggrave encore davantage la situation, ce n’est pas tant d’avoir initié une nouvelle mesure qui était de toutes les façons prise en charge par les notaires. C’est le fait que ces taxes étaient gérées par l’administration fiscale, sous l’égide d’inspecteur des impôts rompus au métier et au fait des subtilités liées à la conception de documents de cette nature. Aujourd’hui, nous explique l’intervenant du corps des notaires, la gestion de ces taxes a été transférée au Trésor public du fait, certainement, que celles-ci lui revenaient initialement.

C’est là que les choses se compliquent, ajoute-t-on, car les effectifs du Trésor public, très fortement réduits, ne peuvent assumer une charge de travail aussi importante. D’où la décision d’imposer aux notaires, nous dit-on, de créer des articles de taxes urbaines au niveau de leurs bureaux et de soumettre les dossiers finalisés aux cadres du trésor public.

N’ayant qu’une expérience superficielle par rapport à cet aspect de la gestion fiscale du dossier, les cadres du Trésor public “mettent un temps fou à répondre et quand ils le font, c’est pour dire, souvent, que cela ne dépend pas de leurs compétences ou qu’il manque tel ou tel document qui, pourtant, figure au dossier, etc.”, détaille ce notaire qui précise que parfois un dossier qui “représente des capitaux importants pour les opérateurs, pour l’économie nationale et même pour le fisc, met deux mois et demi, parfois plus, sans aboutir.”

Lire aussi | Loi de finances. Le visage fiscal de l’«Etat social»

C’est ce qui pousse ce professionnel à qualifier le processus d’application de cette mesure de “mascarade dans laquelle se débattent notaires, opérateurs du secteur immobilier et cadres du Trésor public à leurs corps défendants”.

Soucieux, toutefois, de clarifier sa position en tant que notaire, notre interlocuteur a tenu à rappeler que les notaires ont toujours été des collecteurs d’impôts et que ce qui est en cause aujourd’hui, c’est moins leur volonté de le faire qui est intacte, que “le peu d’intelligence mis dans le processus d’application de cette loi” qui ne semble servir personne, finit-il par conclure.

 
Article précédent

Trois nouveaux membres intègrent le Conseil de l'ACAPS

Article suivant

FedEx envisage de délocaliser une partie de ses opérations au Maroc