Régions oasiennes : la datte comme enjeux et vecteur de développement
Le Salon international des dattes de Tafilalet, organisé à Erfoud, célèbre sa 13e édition sous le signe de la résilience des oasis marocaines face aux défis climatiques et aux enjeux du développement durable.
Placé sous le Haut Patronage de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, cet événement se déroule du 29 octobre au 3 novembre 2024. Le salon réunit des acteurs clés du secteur phoenicicole autour de discussions, de partages d’expériences et de propositions de solutions concrètes pour promouvoir une agriculture oasienne respectueuse de l’environnement et adaptée aux nouvelles contraintes économiques et écologiques. Les enjeux actuels de la filière et les attentes des agriculteurs et des coopératives, notamment en matière de ressources hydriques et de systèmes d’irrigation, y sont exprimés avec acuité.
S’organiser et se structurer autour de l’exportation
Le salon, étendu sur une superficie de 40 000 m² et réparti en sept pôles, attire chaque année près de 230 exposants et accueille une diversité d’acteurs, des producteurs locaux aux délégations étrangères. Cette année, ce sont plus de 90 000 visiteurs qui sont attendus pour découvrir les différentes variétés de dattes marocaines et les innovations dans la filière. Ce rendez-vous confirme l’attractivité et le potentiel du Maroc en matière de production de dattes, un produit particulièrement prisé pour l’exportation.
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Les dattes marocaines, avec des variétés emblématiques, comme la Mejhoul et la Boufeggous, font l’objet de nombreuses convoitises à l’international, notamment pour leurs qualités gustatives et leur potentiel de transformation. Ces variétés sont notamment appréciées sur les marchés d’Europe et du Golfe, où la demande en produits de qualité et certifiés biologiques ne cesse de croître. En plus des variétés de luxe, d’autres types de dattes, plus accessibles et destinées au marché local, font partie de la production annuelle de la région du Tafilalet, qui reste le cœur de la culture phoenicicole au Maroc.
Ambitions “Génération Green” pour la filière
Dans le cadre de la stratégie Génération Green 2021-2030, le secteur des dattes bénéficie d’un contrat-programme ambitieux, qui mobilise un budget de 7,5 milliards de dirhams. Ce programme vise la plantation de cinq millions de palmiers dattiers et l’encouragement de l’entrepreneuriat, en particulier pour les jeunes et les coopératives locales. En soutenant les producteurs et en modernisant les infrastructures, cette stratégie cherche à accroître le rendement de la filière et à garantir une meilleure organisation des chaînes de distribution et de commercialisation, ce qui pourrait doubler les volumes exportés d’ici aux prochaines années.
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Les actions prévues incluent également l’amélioration des techniques de conditionnement et de transformation pour mieux répondre aux normes des marchés étrangers. L’objectif est de faire des dattes marocaines un produit emblématique de l’agriculture nationale, tout en créant une dynamique économique locale dans les régions oasiennes, souvent isolées et en proie aux difficultés économiques et climatiques.
Attentes et espérances des agriculteurs et coopératives
Les défis environnementaux, principalement la gestion des ressources en eau, demeurent au cœur des préoccupations des agriculteurs de la région du Tafilalet. Dans un contexte de raréfaction de l’eau et de sécheresse accrue, la gestion durable de l’irrigation devient une nécessité vitale pour maintenir la production de dattes à un niveau compétitif. Le système d’irrigation traditionnel, basé sur les « khettarat » (canaux souterrains), constitue une solution ancienne, mais fragile face aux aléas climatiques. Ce système ancestral, bien que précieux pour son faible impact environnemental et son intégration au paysage culturel, nécessite aujourd’hui une modernisation pour garantir sa pérennité.
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Le salon met en lumière les initiatives visant à réhabiliter et renforcer ces infrastructures. Le projet de transfert des eaux de crue de l’oued Gheriss vers le Ziz, d’un montant de 11 millions de dirhams, est l’une des réponses aux besoins en eau de la région. Ce projet devrait bénéficier à environ 6 770 personnes et irriguer près de 1 200 hectares, contribuant ainsi à la recharge des nappes phréatiques. Un autre projet clé inclut l’installation de stations de pompage alimentées par l’énergie solaire, ce qui permettrait une réduction des coûts énergétiques pour les agriculteurs et une moindre dépendance aux sources d’énergie traditionnelles.
Le partenariat renforcé pour soutenir les agriculteurs locaux
Dans le cadre du salon, plusieurs conventions de partenariat ont été signées pour appuyer les producteurs de dattes et les coopératives locales. La Fédération interprofessionnelle nationale de la filière des dattes « Maroc Dattes » a ainsi conclu un accord avec l’Office national du conseil agricole (ONCA) pour assurer l’encadrement et la sensibilisation des agriculteurs sur les meilleures pratiques agricoles et environnementales. Par ailleurs, une convention avec le Crédit Agricole du Maroc prévoit des mécanismes de financement pour faciliter l’accès aux ressources financières pour les producteurs.
Ces soutiens visent à encourager l’innovation et la modernisation des pratiques agricoles, tout en aidant les producteurs locaux à se conformer aux standards internationaux en matière de durabilité et de qualité. En facilitant l’accès aux financements et en offrant des formations, les autorités espèrent voir émerger une génération de producteurs capables de valoriser au mieux le potentiel de la filière phoenicicole marocaine.
Traditions et patrimoine à valoriser autour des oasis
Les oasis du Tafilalet, bien plus que de simples zones de production, incarnent un riche patrimoine culturel. Autour du palmier-dattier se sont développées de nombreuses traditions et pratiques saisonnières, qui rythment la vie des populations locales. La récolte des dattes est accompagnée de fêtes et de rituels qui attirent chaque année de nombreux visiteurs. Ce patrimoine immatériel, avec ses savoir-faire agricoles ancestraux et son attachement à la terre, fait l’objet de démarches de valorisation pour obtenir une reconnaissance au patrimoine mondial de l’Unesco.
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Cette valorisation est cruciale pour le développement touristique de la région, car elle permet de concilier développement économique et préservation culturelle. En promouvant les traditions locales et en attirant les visiteurs, le secteur phoenicicole espère diversifier ses sources de revenus, tout en sensibilisant le public aux enjeux de durabilité.
L’impact du prix émirati et les perspectives d’avenir
Cette édition du salon a également mis en lumière l’importance croissante du prix émirati de la meilleure datte, décerné dans le cadre du salon, qui suscite un vif intérêt parmi les producteurs. Ce prix contribue à la reconnaissance internationale des dattes marocaines et offre une visibilité précieuse aux agriculteurs et coopératives locales. En mettant en avant la qualité et la diversité des dattes du Maroc, ce prix pourrait stimuler la demande sur les marchés internationaux, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour l’exportation.
L’avenir de la filière repose désormais sur une adaptation aux changements climatiques et sur des partenariats solides pour faire face aux défis économiques et environnementaux. Les initiatives locales, combinées au soutien national et international, offrent une base prometteuse pour le développement durable du secteur. Grâce à une gestion optimisée des ressources et à la valorisation de son patrimoine, le secteur phoenicicole marocain a toutes les chances de consolider sa place sur le marché mondial, tout en préservant les écosystèmes et les communautés locales qui en dépendent.
En plus des initiatives évoquées, un programme de réparation des dégâts des crues survenues en septembre dans la zone d’action de l’ORMVA du Tafilalet est en cours. Couvrant une superficie de 8 000 hectares et destiné à plus de 10 000 agriculteurs, ce programme mobilise un budget de 58 millions de dirhams. Il inclut des actions d’appui à l’emploi des jeunes, notamment par des projets agricoles sur les terrains collectifs et un soutien aux initiatives entrepreneuriales.
Ainsi, par ces soutiens multiples et les efforts locaux, la filière phoenicicole espère pouvoir se renforcer pour affronter les défis climatiques et économiques actuels.
C’est dire qu’au-delà de sa vocation d’être une vitrine de mise en avant de la production nationale, le Salon international des dattes de Tafilalet n’en est pas moins un forum de réflexion sur les voies et moyens de pérenniser un secteur à la fois économique et culturel, dans une région où l’agriculture oasienne est plus que jamais un pilier du développement et un moyen, l’unique, de sédentarisation des populations locales.