Mobilité durable

Samir Rachidi: « Développer un écosystème de recharge électrique est crucial pour soutenir la mobilité électrique »

Passer à la mobilité durable de manière effective à l’horizon 2050 est aujourd’hui un enjeu de gouvernance mondiale. Au Maroc, même si l’écosystème cherche sa voie, l’avenir de l’électrique semble prometteur à la lumière des atouts du Royaume dans le secteur de l’automobile. C’est l’idée que défend le DG de l’Iresen Samir Rachidi dans cette interview accordée à Challenge.ma.

Voiture électrique : fiction ou réalité ?

Bien sûr que c’est une réalité, dire que la voiture électrique est une utopie, c’est irréel pour ne pas dire que c’est inexact. Donc pourquoi ? Parce que déjà c’est un marché qui existe depuis déjà peut-être un peu plus d’une décennie, depuis la fin des années 2000. Actuellement, le marché de l’automobile c’est à peu près aux alentours d’un peu plus de 6 millions, voire 7 millions de véhicules électriques vendus par an. À peu près les trois quarts sont en Chine. Donc c’est bel et bien une réalité.

Aujourd’hui, il y a des voitures électriques à l’échelle industrielle, commerciale, ça a commencé effectivement par être un marché de niche, comme j’ai dit il y a 10-15 ans, maintenant c’est une réalité et un vrai marché porteur. Après, ce qu’on doit aussi mettre dans notre esprit quand on parle de véhicules… Ce n’est pas forcément la solution miracle dans la mesure où ça nous permet effectivement de décarboner une partie du transport terrestre, car il ne s’agit pas de la solution unique. Il s’agit en clair d’accompagner cette mesure-là ou l’adoption de cette technologie, de cette industrie, de cette filière industrielle…

Par ailleurs, il s’agit aussi de vérifier le réseau électrique parce que ces voitures électriques sont chargées avec du réseau pour l’instant et si on a un réseau électrique qui n’est pas décarboné, on ne va pas décarboner à 100% notre secteur du transport. Donc je pense que notre dans position de militant pour la décarbonation ou pour le développement durable, il faudrait qu’on ait un équilibre quand il s’agit du choix des technologies et des filières renouvelables à impliquer ou à utiliser dans notre panoplie d’usage de l’énergie. Il ne s’agit pas forcément que de miser que sur une seule technologie parmi tant d’autres, parce que je pense que c’est ça aussi qui nous a emmenés en tant qu’humanité ou que civilisation humaine sur des choix, par exemple, le 100% charbon, le 100% pétrole, le 100% nucléaire. Il faut vraiment qu’on ait un équilibre en différentes filières en fonction, bien sûr, des potentiels et des contraintes de chacun des pays. En somme, nous devons diversifier les sources d’énergie et aussi les usages de l’énergie.

Lire aussi | En Chine, Xiaomi met un coup d’accélérateur dans le monde de la voiture électrique

2. Pensez-vous que le Maroc pourra produire des voitures électriques dans les prochaines décennies ?

Je pense que le Maroc produit déjà des produits des voitures électriques en ce moment même et je pense notamment au modèle de la Dacia Spring. Je pense aussi au modèle de la de l’ami la voiture utilitaire qu’on a tous connus à travers l’opération du groupe Stellantis avec avec la poste donc c’est déjà une réalité. Et il faut dire que le Maroc produit déjà des centaines de milliers de milliers de véhicules par an. Les chaînes de montage sont là, le capital humain est là également, donc l’infrastructure existe après c’est aussi le choix des partenaires et des entreprises qui fabriquent des voitures sur notre sol s’ils souhaitent ou pas mettre le Maroc comme une base de production de leur flotte électrique.

Et d’un point de vue purement industriel il est beaucoup plus simple de fabriquer une voiture électrique bien sûr à part la production de la voiture électrique notamment la partie batterie mais d’un point de vue motorisation le bloc moteur thermique est beaucoup plus compliqué qu’un moteur purement électrique donc de ce point de vue-là le maroc bien sûr à tous ses atouts. Après bien sûr il faudra modifier légèrement ou de manière un peu approfondie l’écosystème industriel qui se greffe sur ce système de l’automobile mais je ne pense pas que ce soit des choses compliquées.

3. Le gouvernement marocain et le fabricant chinois de batteries, Gotion High Tech, envisagent d’investir 6,3 milliards $ pour créer une usine de batteries pour véhicules électriques (VE) dans le Royaume. Quel commentaire en faites-vous ?

Donc je n’ai pas beaucoup d’éléments sur cette annonce. Effectivement, il y a eu une annonce qu’un acteur marocain s’est rapproché d’un acteur chinois pour la fabrication de matières premières pour des usines de batterie. Je ne connais pas le montant de l’investissement. Mais dans l’absolu, par rapport aux commentaires que je peux en faire, c’est bien. Bien sûr, c’est très positif pour notre pays. Effectivement, le volet industriel relatif au secteur de l’énergie, c’est un peu le maillon qui manque à la panoplie et aussi aux tissus industriels et aux écosystèmes industriels qui ont été développés par le Maroc ces dernières années.

Dans la mesure où, après la réussite dans les écosystèmes de l’automobile, de l’aéronautique et aussi le renforcement des autres écosystèmes classiques comme le textile, l’agroalimentaire, etc., le Maroc peut vraiment devenir aussi une base industrielle, au-delà bien sûr de l’installation de centrales solaires, renouvelables, solaires et éoliennes avec ou sans stockage de l’énergie. Le Maroc peut devenir aussi, au-delà de ce type d’implantation de centrales, mais aussi un hub industriel vert pour la fabrication ou le montage ou l’assemblage d’une partie ou de la totalité de ces composants, des systèmes et des produits qui rentrent dans la mise en place de ces centrales, à savoir les panneaux photovoltaïques, les écosystèmes, etc. Les éoliennes, les électrolyseurs, les batteries, etc. Donc tout ça, le Maroc peut vraiment devenir un hub de production industrielle bas carbone de ces éléments-là. Donc à ce titre, bien sûr, cette nouvelle, on l’accueille très positivement. Ça suit aussi l’annonce d’une usine de fabrication d’éoliennes dans le port à côté. Du port de Nador, je pense que l’acteur est également chinois. Et ça aussi, c’est une compensation par rapport à la fermeture récente de l’usine CMS Gamesa des éoliennes qui était à Tanger.

Donc on espère sincèrement que cette voie-là va être accélérée. Par les départements ministériels qui sont chargés de faire venir au Maroc des fabricants ou des gigafactories de composants et de systèmes qui entrent dans le déploiement des grandes centrales électriques renouvelables, mais aussi à la production de l’hydrogène. Et à ce propos aussi, il y a eu aussi l’annonce d’un acteur qui est John Cockerill avec la mise en place d’une gigafactory d’électrolyseurs au Maroc avec un acteur industriel marocain. Donc vivement, vivement que le Maroc devienne le pays des gigafactories et des composants des énergies renouvelables, des composants des centrales ENR. Et aussi qu’il devienne un hub compétitif de fabrication. Industriel bas carbone.

Lire aussi | Véhicules électriques: Comment éviter le piège des nécropoles automobiles ?

4. A quel point les perspectives du secteur sont-elles prometteuses au Maroc ?

Par rapport à la mobilité électrique au Maroc, le Maroc à lui seul ne constitue pas un grand marché, on va dire en soi, du secteur automobile. Je pense qu’on doit avoir quelques centaines, voire quelques milliers de voitures électriques en circulation à date d’aujourd’hui. Un réseau aussi de quelques centaines de bornes de recharge. Par contre, on peut espérer que le Maroc aussi, dans le cadre de sa stratégie de décarbonation, mais aussi dans le cadre de sa stratégie industrielle, si on arrive à fabriquer avec nos partenaires des véhicules électriques à compétition, dans notre pays, le Maroc peut vraiment très rapidement adopter ce type de mobilité pour décarboner son secteur du transport, respecter nos engagements d’émissions de gaz à effet de serre, mais aussi améliorer la qualité de l’air dans nos agglomérations, qui commencent à inquiéter un peu dans certaines agglomérations un peu denses en ce qui concerne le transport de l’automobile.

Il faudrait savoir aussi que dans la même logique, l’engouement que peut constituer cette technologie-là, cette industrie-là pour des pays africains permettrait aussi au Maroc d’avoir des perspectives très prometteuses en matière d’export de ces futures voitures électriques fabriquées au Maroc. Il faut savoir aussi que le Maroc, que l’industrie automobile au Maroc est quasiment à 80 voire 90% orientée vers l’export. Donc, c’est des choses aussi qui permettent aussi de renforcer la balance commerciale et la compétitivité économique de notre pays. Donc, je pense que les perspectives de la mobilité électrique peuvent être vraiment très très positives pour notre pays, à la fois pour l’usage dans le marché domestique de la mobilité, mais aussi à l’export en Afrique et en Europe également.

5. Peut-on disposer d’un véritable écosystème de bornes de recharge ? Si oui comment financer le chantier ?

Écoutez, là-dessus, on est vraiment très concerné en tant qu’IRISEN. Pourquoi ? Parce que nos collègues dans notre plateforme de recherche au Green Energy Park, qu’on a fondée conjointement avec nos partenaires de l’Université Mohamed VI Polytechnique et du groupe OCP, ont réussi, il y a quelques années, à mettre en place un modèle, un produit de bande de recharge électrique pour les voitures électriques à 100% marocaines. Et ce produit-là est aujourd’hui commercialisé avec la start-up qui s’appelle eSmart, qui conçoit, produit et commercialise ces bornes de recharge. Ils sont très bien. Donc, c’est des bornes de recharge qui sont destinées à plusieurs types de véhicules, à la fois les véhicules légers comme des vélos ou des trottinettes, mais aussi des véhicules, des voitures électriques de différentes tailles et disposent aussi de plusieurs capacités et puissances de charge.

Donc, sur ce volet-là, je pense qu’au même titre que d’autres écosystèmes, comme les transformateurs électriques, les autres composants électriques sur lesquels on peut être fier d’avoir un écosystème dense de fabricants, de composants et de sous-traitants, je pense que cette initiative de la eSmart peut être renforcée à travers une mise à l’échelle de cette production-là et aussi la multiplication d’initiatives similaires pour développer un écosystème de la recharge électrique.

Donc, c’est principalement des choses qui s’apparentent aussi à la fabrication de moteurs, de transformateurs sur lesquels je pense qu’il y a déjà des acteurs très actifs au Maroc, des acteurs marocains et des acteurs internationaux qui sont installés au Maroc et des acteurs marocains aussi qui arrivent à exporter et à s’implanter dans beaucoup de pays africains également. Donc, concernant notre start-up eSmart, elle a une première capacité de production en pré-série au niveau de notre plateforme de Green Energy Park à Benguerir, mais on compte trouver des alliances et aussi des partenariats pour augmenter la production. Et il faut dire aussi qu’on est en train de chercher des partenaires dans le secteur privé industriel marocain pour porter ce projet d’écosystème.

 
Article précédent

Maroc-Chine: signature du programme exécutif de coopération culturelle 2024-2028

Article suivant

Nuitées hôtelières : la télédéclaration désormais obligatoire