Séisme au Maroc. Le flou fiscal sur les dons d’entreprises donne du fil à retordre aux comptables
Dans le contexte du récent séisme à Marrakech, de nombreuses entreprises se mobilisent pour apporter leur soutien financier. Cependant, la question des implications fiscales liées à ces dons suscite des interrogations et nécessite une clarification de la part des autorités fiscales.
Suite au séisme qui a frappé la province d’Al Haouz à Marrakech, le 8 septembre 2023, les entreprises marocaines contribuent à l’élan de solidarité en effectuant des dons. Mais dans les moments de solidarité, tout n’est pas permis. Un flou qui donne du fil à retordre aux comptables. En effet, la problématique fiscale liée aux dons, notamment ceux effectués à partir des comptes d’entreprises sur le nouveau compte spécial créé par Bank Al-Maghrib (BAM) pour la gestion des conséquences du tremblement de terre, suscite des interrogations. Bien vrai que la question fiscale ne devrait pas être prédominante dans un acte de citoyenneté telle que la contribution aux efforts de solidarité après le séisme, il est important de comprendre les dispositions fiscales applicables afin de contribuer de manière conforme à la loi.
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Pour un certain nombre de dirigeants, la question est de savoir comment peuvent-ils contribuer à l’élan de solidarité tout en restant conformes à la loi fiscale, sans être pénalisés. Selon Abdelbasset Mohandis, expert-comptable et commissaire aux comptes, l’article 247 bis du code général des impôts permet aux entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu de déduire les sommes versées sous forme de contributions, dons ou legs pour le compte de l’État. Cependant, comme lui, plus d’un souhaite une clarification de la direction générale des impôts (DGI) pour confirmer cette disposition. L’argument avancé est qu’en cette période d’urgence, il est essentiel que les autorités fiscales fournissent des orientations claires pour encourager et faciliter la participation des entreprises à ces actions de solidarité nationale.
Hassan Ouatik, directeur administratif et financier, suggère une approche consistant à verser une « avance » nette d’impôt, en versant 70% du montant prévu pour la participation et en provisionnant l’équivalent de l’impôt pour une éventuelle réintégration. « Cette approche permettrait de contribuer au fonds spécial et de payer l’impôt en fin d’année, ce qui serait neutre sur le plan fiscal ». Houssam Chattioui, expert comptable mémorialiste, précise que cette disposition fiscale permettant la déduction des dons a été introduite dans le code général des impôts lors de la période de COVID-19, mais qu’il n’est pas nécessaire d’étaler l’incidence fiscale sur plusieurs exercices.
Assurez-vous d’être en conformité avec la loi n°18-18
Il convient de noter que les dons versés aux associations reconnues d’utilité publique peuvent être déduits, comme le souligne Adil Khalis, analyste économique. Cependant, il est important de respecter la loi n°18-18, qui régit les opérations de collecte des dons du public et de distribution des aides dans un but caritatif. Selon le texte de loi, les associations régulièrement constituées sont les seules habilitées à organiser de telles opérations, et une autorisation de l’administration est nécessaire pour les personnes physiques effectuant ces collectes, en cas de personnes en détresse.
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Dr. Mohamed Mahfoudi, Docteur en droit, souligne que le non-respect de la loi n°18-18 expose les contrevenants à des sanctions, et que les médias doivent également se conformer aux dispositions réglementaires lors de la diffusion d’annonces de collecte de fonds. « Toute institution de presse, média ou autre, sera passible d’une amende allant de 100.000 à 500.000 dirhams en cas de diffusion d’annonces concernant une opération de collecte ne respectant pas les dispositions réglementaires en vigueur ».
Comment s’y prend pour organiser une opération de collecte et de distribution de dons
Toujours selon la loi n°18-18, pour organiser une opération de collecte et de distribution de dons, une demande d’autorisation doit être déposée, avec accusé de réception, par le représentant légal de l’association, au moins trente jours avant la date prévue de la manifestation. Ce délai peut être réduit à 24 heures en cas d’urgence. La durée de cette opération ne doit en aucun cas dépasser un an, sauf en cas de renouvellement de la demande. Cette demande doit inclure les documents requis par l’article 10 de la loi n°18-18. Une réglementation déterminera la procédure de dépôt et d’examen de cette demande. Si le montant collecté dépasse un million de dirhams, l’association concernée doit présenter un rapport financier certifié établi par un expert-comptable inscrit à l’Ordre des experts-comptables (OEC). Par ailleurs, le non-respect des dispositions de la loi n°18-18 expose les contrevenants aux sanctions prévues par les articles 39 et suivants de ladite loi.