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Surtaxe des voitures électriques chinoises: quels enjeux pour le Maroc ?

Après les USA, l’UE a lancé une guerre commerciale contre la voiture électrique (VE) importée de Chine. Pour surmonter ces barrières, les fabricants chinois sont en quête d’opportunités d’installation en Europe et aux alentours. Le Maroc, qui est dans une phase de montée en puissance dans le secteur de la VE et qui dispose d’un accord de libre-échange avec les USA et l’UE, constitue une base potentielle pour les fabricants chinois qui veulent accéder aux marchés européen et américain. 

Les VE chinoises, très compétitives en termes de prix et de qualité, dominent les marchés mondiaux et accaparent déjà 68% de la production totale en 2023. En réaction à ce rouleau compresseur qui risque d’écraser tous ses concurrents, les pays occidentaux accusent la Chine de perturber le marché mondial des VE par des prix maintenus artificiellement bas grâce aux énormes subventions d’État.

Pour freiner la progression chinoise dans ce secteur, Washington a annoncé, en mai dernier, le quadruplement des droits de douane (de 25% à 100%) sur les VE chinoises importées, et de 7,5% à 25% sur les importations de batteries lithium-ion et de composants de batteries d’origine chinoise. A son tour, l’UE, qui accuse Pékin d’avoir favorisé illégalement ses constructeurs, a annoncé, en juillet dernier, que les VE fabriquées dans les usines chinoises, qui étaient jusqu’ici taxées à hauteur de 10%, vont supporter 38% de droits de douane supplémentaires dans l’UE. La dernière rétorsion est venue du gouvernement canadien qui vient d’annoncer, le 27 août dernier, l’instauration d’une surtaxe de 100% sur les importations de VE chinoises à compter du mois d’octobre prochain. Ottawa justifie, lui aussi, cette décision par des pratiques commerciales déloyales de la Chine.

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L’escalade de cette guerre commerciale contre les VE chinoises a imposé un réaménagement des chaînes d’approvisionnement mondiales. C’est ainsi que les fabricants chinois ont accéléré leurs projets d’installation en dehors de la Chine : par exemple, BYD va installer une usine en Hongrie et une autre en Turquie, tandis que Nio recherche un terrain en Europe pour la construction d’une nouvelle usine. Le Maroc est devenu également une destination stratégique pour les groupes industriels chinois, surtout ceux spécialisés dans les composants des batteries pour VE. A ce jour, un montant total de 10 milliards de dollars de projets d’investissement au Maroc a été annoncé par des fabricants chinois, ces derniers mois. Ces entreprises incluent BTR New Material, Guangzhou Tinci, Shinzoom, Hailiang, Gotion High-Tech, CNGR Advanced Material, Hunan Zhongke. D’autres géants chinois de la production de composants pour automobile, tels que Sentury Tire Zhejiang et Asia-Pacific Mechanical & Electronic, ont également annoncé des projets d’investissement au Maroc. Ces initiatives témoignent de l’attractivité du Maroc en tant que futur hub industriel, offrant des avantages compétitifs non négligeables grâce à ses accords de libre-échange. Cette vague d’investissements chinois devrait stimuler la croissance du secteur et renforcer la position du Maroc comme acteur majeur dans l’industrie des VE.

A ce sujet, le ministre délégué chargé de l’Investissement, Mohcine Jazouli, avait déclaré à la télévision chinoise «CGTN français», au mois d’avril dernier : «J’ai senti que le Maroc était devenu un choix plus qu’évident pour les entreprises chinoises parce qu’il y a bien sûr une stabilité politique et macro-économique du Royaume. Il y a la compétitivité du Maroc, notamment en termes d’énergie verte et surtout son ouverture sur le marché mondial. Avec nos accords de libre-échange, nous avons accès à plus de 2 milliards et demi de consommateurs et nous sommes l’un des rares pays à avoir des accords de libre-échange avec l’Union européenne et avec les États-Unis. Et donc tout cela, plus les infrastructures qui sont aux standards internationaux aujourd’hui font du Maroc une très bonne, sinon la meilleure plateforme d’expansion des entreprises chinoises sur les marchés internationaux. Et on le voit, de nombreuses entreprises chinoises sont d’ores et déjà installées au Maroc et elles s’épanouissent au Maroc. Nous avons d’autres entreprises qui sont en cours de discussion avec le Royaume pour s’installer dans un avenir proche… Cette relation entre Pékin et Rabat s’est notamment renforcée en raison du fait que le royaume chérifien est l’un des premiers pays arabes et africains à avoir signé un mémorandum d’entente concernant l’initiative « Belt and Road ». Depuis plusieurs années, les entreprises chinoises ont investi massivement dans la zone industrielle de Tanger Med, l’un des hubs logistiques les plus importants de la région ».

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Déjà, l’écosystème industriel automobile national accueille des plateformes opérationnelles à Tanger et Kénitra, bénéficiant des coûts de facteurs très intéressants pour produire des modèles 100% électriques, répondant aux normes exigées et à des prix abordables. En 2023, environ 40.000 véhicules électriques, majoritairement de la marque Citroën ont été fabriqués à Kénitra dans l’usine Stellantis, marquant un tournant important pour l’industrie automobile marocaine. A rappeler aussi que Renault Maroc vient d’introduire, récemment, la production de «Dacia Jogger», la première voiture hybride produite au Maroc.
Cette croissance fulgurante du secteur des VE a propulsé le Maroc comme un fournisseur clé de voitures pour le marché européen. Et dans quelques mois, le Maroc va devenir la plaque tournante de l’industrie des batteries électriques grâce aux investissements en cours de la part de plusieurs fabricants chinois. Bientôt, les projets d’exportation vers l’UE et les USA des VE de marques chinoises et leurs composants fabriqués au Maroc vont devenir une réalité car elles ne poseront, a priori, aucun problème en termes de règles d’origine puisque au moins les batteries, qui constituent 40% du coût de production d’une VE, seront intégralement usinées au Maroc.

L’OCP s’engage dans la production des batteries

L’OCP a créé, en partenariat avec l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) et son incubateur Innov X, la société NGB Materials, spécialisée dans les technologies de batterie LFP. Cette filiale, dont le siège est à l’UM6P, prévoit de produire près de 1 GW de batteries LFP destinées au secteur automobile énergétique et résidentiel d’ici 2026.

Les 10 grands projets d’investissements chinois annoncés au Maroc

1- Citic Dicastal, équipementier automobile chinois, a procédé en septembre dernier, à l’inauguration à Kénitra de la 3ème usine du groupe au Maroc après les deux premières inaugurées en 2019 et en 2020 et destinées à la fabrication de jantes en aluminium. Ces unités, qui tournent actuellement à pleine capacité, permettent de produire 6 millions de jantes par an et emploient 1400 collaborateurs, pour un investissement global de 350 M DH.

2- Gotion High-tech a dévoilé, en septembre 2023, un projet d’investissement colossal de 6,3 MM $ dans une méga usine de batteries électriques au Maroc. Le projet qui devra créer pas moins de 25.000 emplois, va débuter sa production au milieu de l’année 2026.

3- Le fabricant chinois CNGR et la holding marocaine Al Mada ont annoncé, en septembre 2023, un investissement conjoint de 2 MM $ pour la production des batteries Litium-Fer-Phosphate (LFP). Le complexe industriel, sur une superficie de 200 Ha à Jorf Lasfar, devra être opérationnel en 2025.

4- Le coréen LG Chem, filiale du groupe LG, a ainsi annoncé, le 24 septembre 2023, avoir conclu un partenariat avec Youshan, filiale du groupe chinois Huayou, pour la construction d’une usine de cathodes LFP au Maroc. Cette joint-venture permettra à LGES de renforcer sa chaîne d’approvisionnement de ce matériau, notamment pour servir le marché des États-Unis, pays lié par un accord de libre-échange avec le Maroc.

5- Qingdao Sentury Tire, fabricant de pneus chinois, a annoncé en octobre 2023 qu’il prépare le lancement de la production dans son usine tangéroise à partir de septembre 2024. Le site, implanté dans la Cité Mohammed VI-Tanger Tech, dispose d’une capacité de production annuelle de 12 millions de pneus, dont la majorité est destinée à l’export.

6- BTR New Material Group, fabricant de composants pour batteries électriques, a annoncé en mars 2024 un investissement de près de 497 M USD pour la construction d’une usine de cathodes, éléments clés des batteries électriques. Et puis le 13 août 2024, le même groupe a annoncé un investissement supplémentaire de 363 M USD pour la construction d’une usine pour la fabrication d’anodes.

7- Hunan Zhongke Shinzoom, a annoncé en mars 2024, la construction d’une usine d’anodes pour batteries au lithium dans la zone industrielle de Tanger Tech pour un investissement de 500 M USD. Cette usine, qui devrait s’étendre sur une superficie de 30 Ha, générera 1500 emplois directs et indirects.

8- Zhejiang Hailiang, acteur majeur chinois dans la production de tubes et de barres en cuivre, a annoncé en mai 2024 la construction d’une usine au Maroc d’une valeur de 288 M USD pour la production de matériaux utilisés dans l’industrie des puces de batteries au lithium. Cette usine sera en mesure de produire annuellement 50.000 tonnes d’alliages, 35.000 tonnes de tubes, 40.000 tonnes de barres et 25.000 tonnes de puces, une fois la période de construction de 36 mois achevée.

9- Guangzhou Tinci Materials Technology, fournisseur d’électrolyte et de produits chimiques d’électrolyte pour les batteries au lithium, a annoncé le 28 juin dernier qu’il prévoit d’investir plus de 270 M USD dans une usine au Maroc pour la production de batteries pour VE.

10- Zhejiang Asia-Pacific Mechanical & Electronic, un équipementier automobile chinois spécialisé dans la production de systèmes de freinage et de contrôle électronique du châssis, a annoncé le 19 juillet dernier qu’il prévoit d’installer une usine à Tanger pour un investissement de 70 M USD. L’entreprise cotée à la Bourse de Shenzhen compte parmi ses clients de grands constructeurs automobiles, dont Stellantis, Nissan, General Motors, Honda et Volkswagen.

 
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