Tourisme

Tourisme interne: et si on s’inspirait du modèle turc?

Alors que le tourisme au Maroc est un secteur stratégique de l’économie nationale, son volet interne accuse beaucoup de retard, privant la croissance marocaine de plusieurs points de PIB, en parfaite contradiction avec les ambitions affichées… L’économiste Mehdi Lahlou nous éclaire.

Après une période de disette, le secteur du tourisme, l’une des locomotives de l’économie marocaine, commence à voir le bout du tunnel. Bien que depuis fin 2021, les activités aient commencé à tourner, le point de bascule de la croissance a été la prestation des Lions de l’Atlas lors de la coupe du monde qui, par effet de ruissellement, a eu un impact majeur sur l’image du Maroc et la considération de la destination. Rappelons d’ailleurs que cette reprise est également le fruit d’une véritable stratégie de branding portée par l’ONMT qui, à travers un véritable marketing institutionnel, a vendu à l’international la destination Maroc.

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« Le tourisme marocain poursuit sa trajectoire ascendante, comme en témoigne la croissance exceptionnelle du premier semestre 2024. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 7,4 millions de visiteurs ont franchi les frontières marocaines, représentant une hausse de 14 % par rapport à 2023 et un bond spectaculaire de 38 % comparé à 2019 », indique le ministère du Tourisme dans un communiqué. Dans une récente sortie médiatique, la ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire, Fatim-Zahra Ammor, a annoncé que l’objectif est d’atteindre les 17,5 millions de touristes.

Même si les voyants semblent au vert et que la reprise demeure perceptible in visu dans les villes comme Casablanca, certains cependant sont encore sceptiques. C’est le cas pour l’économiste Mehdi Lahlou qui nous explique que « le tourisme marocain a toujours été fragile et changeant ». « De plus, on n’arrive pas à percevoir dans la vie de tous les jours l’impact de ces millions de touristes au Maroc. Quand vous allez à Marrakech ou à Fès, cette classe moyenne qui vit de l’activité à l’heure où je vous parle ne voit pas les retombées économiques de ces flux », précise l’économiste. Selon un rapport de la DEPF, la part du tourisme interne avoisine les 33 %, un pourcentage qui demeure très faible, au regard du potentiel touristique du royaume et en comparaison avec les nations chez qui le tourisme est développé. En France, celui-ci constitue 70 % du PIB touristique, et des chiffres similaires s’observent en Espagne et en Allemagne.

Le tourisme interne, quel bilan ?

« Le tourisme interne au Maroc a connu un essor quasiment généralisé sur le plan territorial durant la dernière décennie avec, certes, une attractivité et une spécialisation régionales différenciées. Cependant, son potentiel demeure inexploité », explique une étude de la DEPF sur le potentiel du tourisme interne au Maroc. Contacté par Challenge, l’économiste Abdelghani Youminu nous confie qu’il y a une véritable nécessité aujourd’hui à se pencher sur la question de l’offre touristique locale. « Les Marocains aujourd’hui sont de plus en plus enclins à consommer les loisirs et les vacances. Cependant, bien qu’il soit aujourd’hui difficile pour eux d’aller dans certains pays d’Europe, il est encore plus complexe pour ces derniers, voire coûteux, de se donner des vacances au plan local ».

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Et de poursuivre : « En termes de prix, le pack touristique local coûte trois fois plus cher que le pack touristique destiné aux Européens ». Abordant également la question des spéculations dans la niche des maisons d’hôtes, il déclare : « Il y a lieu que le ministère de tutelle se penche sur la surenchère abusive dans la niche des maisons d’hôtes ». De son côté, l’économiste Lahlou met le curseur sur la forte baisse du pouvoir d’achat due à la bulle inflationniste qui impacte en quelque sorte l’essor du tourisme local. « Voyager aujourd’hui vient en dernier ! La priorité c’est l’éducation, se soigner, se déplacer… Et ces besoins élémentaires sont devenus difficiles pour bon nombre de Marocains. Alors pour cette classe moyenne, le voyage est un luxe en ces temps d’inflation qu’ils ne peuvent pas se permettre », explique l’économiste.

Le tourisme interne à l’international…

La stratégie touristique turque, dans son déploiement, a prévu une batterie de mesures destinées à favoriser le développement de produits touristiques de qualité, avec des prix abordables et accessibles aux différentes catégories de la population résidant en Turquie. Le but étant de porter le nombre de voyageurs internes à 20 millions (contre 7,5 millions de touristes internes en 2013), et de hisser les recettes touristiques domestiques à 20 milliards de dollars (contre 5,2 milliards de dollars en 2013). Il faut rappeler que le tourisme interne constitue un levier indispensable pour garantir un développement équilibré de l’activité touristique. Et le poids accordé à ce segment dépend de l’orientation de la stratégie touristique adoptée par chaque pays.

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Sa part s’élève à 68,5 % en France, à 70,2 % en Espagne et ne dépasse pas 14 % en Turquie. Le point commun entre ces pays reste l’adoption d’une panoplie de mesures visant à promouvoir l’accès des résidents à l’offre touristique nationale. Ces mesures tournent, globalement, autour de la mise en place des mécanismes d’appui financier aux départs en voyage, l’adoption des produits touristiques conformes aux besoins et au pouvoir d’achat des ménages ainsi que le lancement de campagnes de communication mettant l’accent sur l’accessibilité du tourisme interne à l’ensemble des couches sociales.

 
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