Trump s’en prend à Zelensky et semble endosser les arguments russes
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Non seulement Donald Trump s’en prend vertement à Volodymyr Zelensky, qualifié de « dictateur », mais plus encore, le président américain endosse les narratifs russes autour de l’invasion de la Russie, alimentant les spéculations sur un lâchage de l’Ukraine.
« On dirait qu’il se prépare à liquider le dossier », estime pour l’AFP Max Bergmann, directeur du programme Europe, Russie et Eurasie au Centre d’études stratégiques et internationales.
Il semble disposé à ce que les « Etats-Unis se lavent les mains de l’Ukraine et se concentrent sur la relation avec Moscou ». Donald Trump a une « affinité avec Vladimir Poutine » et une « affinité avec le style d’homme fort de Poutine », selon lui.
La tension est montée fortement depuis la conversation surprise entre Donald Trump et son homologue russe mercredi dernier et leur volonté d’entamer au plus vite des négociations sur l’Ukraine, mais sans l’Ukraine.
Cette tension s’est transformée en crise après la rencontre des délégations russes et américaines en Arabie saoudite cette semaine, Donald Trump bombardant Volodymyr Zelensky d’anathèmes.
« Dictateur sans élections, Zelensky devrait se dépêcher ou il ne va pas lui rester de pays », a-t-il déclaré sur sa plateforme Truth Social. « J’adore l’Ukraine, mais Zelensky a fait un boulot épouvantable », a-t-il encore dit.
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Pour Kiev, qui ne peut pas se permettre d’apostropher son principal soutien, et pour les Européens, très préoccupés d’un éventuel rapprochement entre Washington et Moscou à leur détriment, le plus inquiétant ne réside pas dans les invectives à l’encontre de Volodymyr Zelensky, mais dans la manière dont Donald Trump prend pour argent comptant les éléments des discours et de propagande russes sur la guerre.
Volodymyr Zelensky a d’ailleurs riposté en affirmant que Donald Trump évoluait dans un « espace de désinformation » russe.
Les autorités de Moscou sont régulièrement accusées d’essayer de formater les opinions publiques internationales par la base, en organisant des campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux notamment. Désormais, une partie de leurs narratifs semblent repris au plus haut de la pyramide, par l’un des hommes les plus puissants et écoutés dans le monde.
Donald Trump a dit que l’Ukraine a déclenché la guerre, a cité de faux chiffres sur la popularité de Volodymyr Zelensky, l’a appelé à convoquer des élections, exclu une adhésion à l’Otan…
« Une grande partie de son langage, y compris la reprise des arguments du Kremlin, indique qu’il est peut-être juste en train de lâcher l’affaire au profit de la Russie », estime Henry Hale, professeur de sciences politiques et d’affaires internationales à l’université George Washington.
Pour autant, s’ils doivent être inquiets, les Ukrainiens « ne devraient pas abandonner tout espoir… Le style de négociation de Trump consiste à déstabiliser tout le monde ».
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Le vice-président américain JD Vance a même semblé donner quelques conseils à Volodymyr Zelensky, déclarant au Daily Mail que « dénigrer » Trump en public était une manière « atroce » de traiter avec cette administration.
Mais quoi qu’il en soit, Donald Trump n’a jamais été un admirateur du président ukrainien, érigé depuis l’invasion russe de 2022 sous l’administration Biden au rang de héros pour la résistance acharnée de l’Ukraine.
Mais Donald Trump ne faisait pas partie du choeur. De fait, il avait des relations tendues depuis qu’il avait été accusé en 2019 d’avoir retardé l’aide à l’Ukraine alors qu’il pressait Zelensky d’enquêter sur la famille de Joe Biden avant l’élection de 2020.
Le soutien à l’Ukraine ne faisait pas non plus partie du programme « America First » de Donald Trump. Il s’est longtemps opposé aux milliards de dollars d’aide que Biden a envoyés à l’Ukraine et s’est engagé pendant la campagne électorale de 2024 à mettre fin au conflit ukrainien avant de prendre ses fonctions, suscitant de nouvelles craintes qu’il ne pousse Kiev à un accord défavorable.
Plus largement, de nombreux observateurs et analystes s’interrogent sur la proximité historique de Donald Trump avec la Russie et ses positions.
« Les 40 ans d’histoire entre Trump et la Russie ne pouvait conduire qu’à cela, et les signaux de ces dernières semaines et mois allaient tous dans ce sens », estimait la semaine dernière après la conversation téléphonique sur la radio français Radio Classique, Régis Genté, auteur de « Notre homme à Washington: Trump dans la main des Russes » (éditions Grasset).
Challenge (avec AFP)