Education

Un enfant, une tablette… que faire ?

Aujourd’hui, les parents ont trouvé l’astuce idéale pour occuper leur enfant : un écran, tout simplement. Ce dernier, exposé en permanence à des contenus de distraction — faisant ainsi le bonheur des parents — constitue cependant un risque. Le CESE, dans un rapport récent, s’est penché sur le sujet. On vous explique…

Offrir une tablette à un enfant est devenu un réflexe pour de nombreux parents en quête de tranquillité. Jeux interactifs, vidéos éducatives, dessins animés à la demande : les écrans sont omniprésents et captivent dès le plus jeune âge.

Selon l’UNESCO, plus de 60 % des enfants de moins de cinq ans utilisent régulièrement un écran, un phénomène en hausse partout dans le monde. En France, une étude de Santé publique France révèle que près d’un enfant sur deux passe plus d’une heure par jour devant un écran avant même d’entrer à l’école.

Un usage qui rassure les parents, mais qui interroge de plus en plus les experts sur ses conséquences à long terme. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est récemment penché sur la question, mettant en garde contre les risques liés à une exposition précoce et excessive aux écrans.

Lire aussi | Bissane Khaîrat: L’intersection écran et cran

Parmi les effets identifiés : des troubles du sommeil, un retard dans l’acquisition du langage et une baisse de la concentration. Certains pédiatres évoquent même un lien entre consommation excessive d’écrans et augmentation des troubles du spectre autistique chez les tout-petits.

« Ce n’est pas l’écran en lui-même qui est dangereux, mais la manière dont il est utilisé », souligne le CESE, insistant sur la nécessité d’un encadrement strict.

Dans un monde où le numérique façonne le quotidien, l’interdiction pure et simple semble irréaliste. La véritable question est donc celle de l’équilibre : comment permettre aux enfants de bénéficier des atouts des nouvelles technologies sans nuire à leur développement ?

Certains pays ont déjà pris des mesures, comme la Chine, qui limite drastiquement l’usage des écrans pour les mineurs. En France, les pouvoirs publics privilégient encore la sensibilisation. Mais face à une génération qui grandit les yeux rivés sur les écrans, la prise de conscience suffira-t-elle ?

Quand le CESE s’active !

L’institution présidée par Ahmed Réda Chami recommande dans une note publiée récemment « l’utilisation des outils de l’intelligence artificielle pour détecter de manière proactive les contenus inappropriés et analyser les comportements à risque des utilisateurs ».

Le CESE suggère également « l’intégration de l’éducation numérique dans les programmes scolaires dès le plus jeune âge, en mettant l’accent sur le développement des compétences et de la pensée critique de l’information », et appelle à « l’organisation de campagnes d’information au profit des familles et des utilisateurs sur les risques associés aux réseaux sociaux ».

Se penchant sur la popularité au Maroc des réseaux sociaux, tels que Facebook, Instagram ou TikTok, le Conseil a révélé qu’en ce début 2025, « environ 9 personnes sur 10 utilisent ces plateformes, et 97 % des enfants de moins de 18 ans y ont accès ».

Lire aussi | Nouveauté : la MG3 Hybrid+ fait ses débuts au Maroc [Vidéo]

Selon le CESE, « l’utilisation excessive et inappropriée de ces technologies et plateformes numériques a des effets négatifs sur la santé mentale et physique des enfants, entraînant des comportements addictifs, de la violence, de l’anxieté, de l’isolement, des automutilations, des troubles du sommeil, de la dépression et parfois des tentatives de suicide ».

Ces risques « sont exacerbés par l’absence ou la faiblesse des mécanismes juridiques adaptés à la protection des enfants dans un environnement numérique », ajoute le Conseil.

Une promotion de l’individu singulier ?

Dans un long entretien accordé au journal le Figaro, l’auteur, Pascal-Raphaël Ambrogi, a tiré à sa manière sa sonnette d’alarme. Pour ce dernier, les écrans sont un vecteur accélérateur de cette transformation de l’Homme, à un être ou individu singulier.

« Dans un contexte où les piliers porteurs de notre fabrique morale ont lâché, comme l’a montré mon confrère Pierre Manent, l’individu promu est un sujet autonome, mû par ses seuls intérêts particuliers et ceux du marché ; ses désirs, ses prétentions, sont les sources de droit au mépris du bien commun. L’Homme assujetti ne pense plus sa relation à d’autres hommes, au sein d’une même société» confie l’auteur au Figaro.

Rappelons avant lui Hannah Arendt avait mis le doigt sur cette société en devenir. «L’homme moderne a perdu le monde pour le moi.» « Un moi sans spiritualité, sans l’inquiétude intérieure qui fait la vie de l’esprit, un moi ravagé par le narcissisme destructeur ». Il qualifie cette surexposition à l’écran de destruction cérébrale. Notons d’ailleurs que par ses travaux le Conseil supérieur des programmes avait mis en valeur les potentialités et les risques d’utilisation du numérique. Ladite étude avançait que l’environnement numérique récréatif nuit à l’apprentissage du langage et de la lecture. C’est l’une des sources de l’illettrisme. Il contraint la concentration et la mémorisation. Il entrave la transmission des savoirs culturels et fondamentaux de base. Il a des effets négatifs sur le développement de l’enfant, le privant d’interactions humaines, de l’exploration sensorielle du monde essentielle au développement cérébral. « Aujourd’hui, nul ne peut se détourner de la vérité. Les bébés sont biberonnés au zapping et au troll. Qui pourrait quoi que ce soit contre le progrès ? Même le papier et le stylo battent de l’aile et se font écraser par les écrans. On n’y peut rien contre l’envahissement de notre écosystème par l’image et le son. Les écrits sont réduits à un exercice d’élite et sont devenus un espace illicite, où tous n’osent pas adhérer. Un lieu réservé à une espèce en voie de disparition, face à une invention en évolution permanente, qui agit par fascination et séduction sans limites. Les familles, tiraillées entre un héritage patrimonial fait d’ingrédients éclectiques – livres, manuscrits, images –, ne savent plus séparer le bon de l’ivraie lorsque l’exposition au matraquage d’Internet bat son plein » nous confie l’écrivain Fouad Souiba.

Et d’ajouter : « d’un outil de communication, le Net devient un présentoir où tout un chacun commercialise son produit. Cette surconsommation du matériel et de l’immatériel, c’est-à-dire des marchandises à consommation domestique à grande échelle aux œuvres d’esprit prisées par une élite spécifique, façonne les enjeux des gros bonnets. Parmi les cibles mises en orbite par les multinationales de la Silicon Valley, les enfants occupent une place de choix. Les algorithmes qui leur sont dédiés excellent dans l’analyse de leurs envies et désirs, et les talonnent dans leur évolution. Ces jeunes donnent plus que les autres catégories la tendance. Pourquoi ? Parce qu’ils sont, plus que les autres tranches d’âge, des consommateurs du Net à des degrés inégalés. Plus ils échangent sur les réseaux interconnectés, plus on détermine leurs penchants et leurs préférences en matière de produits de consommation ».

 
Article précédent

La Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière adopte la Déclaration de Marrakech

Article suivant

Les barrages du bassin de Sebou affichent un taux de remplissage de 36%