Une réforme s’impose au niveau du contentieux
Traiter des contentieux en matière de propriété industrielle nécessite une grande expérience en la matière, mais surtout une formation pointue. Aujourd’hui, plus que jamais, se pose le problème de cette formation et de la spécialisation de chaque partie prenante. Une réforme s’impose pour gérer au mieux et faire face aux problèmes que les investisseurs rencontrent au quotidien. Eclairages.
En termes de contentieux de la propriété industrielle, nombreux sont ceux parmi les praticiens qui pointent du doigt le manque de spécialisation des magistrats, l’engorgement des tribunaux, le problème d’accès pour les sociétés étrangères titulaires de droit. Une série de dysfonctionnements qui pourraient éventuellement semer le doute dans l’esprit des investisseurs.
Issam Benhssine, conseiller agréé en propriété industrielle et fondateur du cabinet IB FOR IP explique à cet effet, « qu’un long chemin a été parcouru par le Maroc en matière de promotion et de protection des droits de propriété industrielle depuis l’entrée en vigueur de la loi no 17-97 relative à la propriété industrielle en date du 18 mars 2004. Des marques notoirement connues à l’échelle internationale ont obtenu gain de cause dans plusieurs affaires de contrefaçon et de concurrence déloyale, ce qui a sécurisé et encouragé leurs investissements au Maroc. Bien évidemment, tout spécialiste de la propriété industrielle à travers le monde souhaiterait que son pays soit doté de juridictions spécialisées en la matière ».
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« Toutefois, je pense que le Maroc aurait intérêt à mettre en place dans un premier temps des chambres spécialisées en matière de protection des droits de propriété industrielle et de lutte contre la contrefaçon au niveau des juridictions de commerce », précise-t-il. Les juridictions de commerce de Casablanca traitent environ 50% du contentieux de la propriété industrielle au Maroc. On peut commencer par une expérience pilote au niveau des juridictions de commerce de Casablanca et la généraliser aux autres juridictions de commerce du Royaume après évaluation. « Cette stratégie nous permettra d’améliorer la qualité des jugements et arrêts en la matière, de statuer sur les litiges dans les meilleurs délais et surtout ne pas impacter le budget de l’Etat », indique le spécialiste.
Daoud Salmouni-Zerhouni, Conseiller en propriété industrielle inscrit sur la liste de l’OMPIC et Avocat au Barreau de Paris déclare pour sa part, qu’«il convient, avant toute chose, de souligner l’incroyable travail fourni par les magistrats, et spécialement ceux des juridictions commerciales, avec les moyens qui sont les leurs. Mais, effectivement, il n’y a pas au Maroc de juridictions ou de chambres spécialisées en droit de la propriété industrielle, ce qui pose des difficultés. Le contentieux de la propriété industrielle est complexe et nécessite, à mon sens, une réforme ambitieuse ».
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En effet, à l’instar de ce qui se passe dans de grands pays industriels, « il serait souhaitable d’avoir au Maroc un nombre restreint de juridictions exclusivement compétentes en propriété industrielle, avec des chambres spécialisées composées de magistrats dédiés à ce type de contentieux. «C’est en forgeant que l’on devient forgeron», précise ce dernier.
Partageant le même constat que Issam Benhssine, l’expert explique que si le pays se dote de magistrats spécialisés qui, quotidiennement, traitent exclusivement du contentieux de la propriété industrielle, «nous aurons nécessairement des décisions de meilleure qualité, donc mieux acceptées par les justiciables ainsi qu’une sécurité juridique accrue, ce qui est un élément essentiel pour attirer les investisseurs au Maroc ». Cela permettrait aussi à ces magistrats spécialisés de travailler dans de meilleures conditions.