Gouvernance

Ventes de l’immobilier public : l’effet pervers de l’Etat locataire !

Le Maroc fait-il le bon choix en externalisant une partie du patrimoine immobilier public ? Cette question taraude bon nombre d’économistes depuis le lancement en 2019 de l’opération inédite de cession de cinq CHU (Centres Hospitaliers Universitaires) à la CMR (Caisse Marocaine de Retraites) au prix de 4,6 milliards de dirhams d’autant plus que la question du patrimoine immobilier public constitue un enjeu central de la réforme de l’État tant sur le registre des institutions que de la gestion des biens publics.

En effet, si les partisans d’une telle privatisation sous forme d’Asset-deal (cession d’immobilisations par opposition à cession de participations étatiques dans des entreprises publiques) n’ont eu cesse de marteler les avantages des opérations de cession-relocation (une version plus souple…. mais potentiellement plus onéreuse que le lease-back !) et notamment la réallocation du produit de cession à des investissements publics plus stratégiques (comme celui à caractère social de la généralisation en cours de la couverture médicale enclenché il y a quelques mois), voire également l’optimisation de l’exploitation des biens immobiliers publics sachant que les établissements publics sont loin d’être un parangon en la matière, il n’en demeure pas moins que certains effets contre-productifs sont également à prendre en compte dans l’équation qui préside à la décision de se départir (ou pas) des biens publics.

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A commencer par le poids sur le long terme de ce genre d’opérations d’externalisation sur le budget de l’Etat qui troque la recette providentielle à court terme (fruit de cession du bien) par la charge locative induite ad vitam aeternam ! Mais il ne s’agit point de la seule problématique à traiter par l’Etat stratège et « ingénieur financier ». En effet, avec des rendements des plus alléchants servis par les OPCI ayant hérité des actifs cédés par l’Etat et dépassant pour certains les 7% l’an et en perspectives de l’annonce par le gouvernement de nouvelles vagues de cession d’ici 2026 (pour 3 milliards de dirhams par an), le marché global de la pierre-papier (actifs immobiliers à rendement locatif) est marqué  depuis un moment par un chamboulement de comportement des investisseurs qui exigent désormais des rendements très élevés face à l’offre d’externalisation d’immobiliers par le privé (industriels, banques, établissements tertiaires…).

L’explication est très simple, si l’Etat locataire permet d’avoir un niveau de rendement aussi élevé même si son risque de faillite est nul, il est naturel d’exiger un « spread » (différentiel de rendement) d’au moins 2 ou 3 points pour le privé, quand bien même de bonne qualité de signature. Ce qui suscite un effet pervers généralisé en faisant reculer bon nombre d’opérateurs économiques face à la tentation de la cession de leurs biens immobiliers pour les relouer dans la foulée et fait émerger la question légitime : l’Etat ne brade-t-il pas son patrimoine en acceptant de payer des loyers aussi chers et, de facto, sensiblement plus élevés que le rendement à long terme de bons de trésor à longue maturité ?

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Cette question aussi pertinente que lancinante mérite bien qu’elle soit au menu des travaux parlementaires d’évaluation des politiques publiques que la Constitution de 2011 avait érigé en mission à part entière du parlement mais qui ne semble point, pour l’instant, figurer parmi les priorités du pouvoir législatif. Mais ceci est une autre histoire !

 
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