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Vers une «démondialisation» ?

Les acteurs économiques doivent être vigilants face aux tendances lourdes que connait l’économie internationale pour mieux anticiper et riposter aux changements. Avec les récentes crises, certains analystes parlent de «démondialisation», ou tout au moins d’un recul de la «mondialisation», en tant que processus d’internationalisation/globalisation des économies nationales.

En fait, c’est un débat nouveau qui ne fait pas l’unanimité. Car il n’existe pas une seule définition du concept de «mondialisation». C’est une réalité perçue différemment où objectivité et subjectivité sont inséparables. Ainsi, la «mondialisation» a permis, depuis les années 1990 aux entreprises des économies émergentes de réduire la pauvreté et d’accéder aux chaines de valeurs mondiales, en doublant leurs parts de marché à l’export, grâce notamment aux grands progrès des communications, des transports et des nouvelles technologies de l’information. Ce qui a permis auxdites économies émergentes d’accéder plus facilement et à moindre coût aux échanges commerciaux internationaux, tout en accumulant un savoir-faire.

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Par contre, dans les économies avancées, la mondialisation est souvent perçue négativement, comme étant responsable de la perte d’emplois, notamment dans l’industrie manufacturière, voire comme étant source d’émissions de gaz à effet de serre. En fait, cette opposition de la perception découle surtout du processus de délocalisation industrielle où les multinationales sont à la recherche de taux de profit plus élevés. Cependant, la crise sanitaire mondiale, la guerre en Ukraine et les tensions croissantes entre la Chine et les États-Unis d’Amérique ont imposé une révision des stratégies mondiales des États et des entreprises multinationales. Il ne s’agit pas seulement d’une déduction théorique. De nouvelles études tentent d’apprécier concrètement cette tendance lourde d’un «reflux de la mondialisation», avec des risques à la fois locaux et globaux.

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L’un des principaux indicateurs classiques de cette tendance est le ratio «Échanges extérieurs/PIB», permettant de mesurer le degré d’ouverture commerciale d’un pays sur le monde. Jusqu’en 2008, ce ratio n’a pas cessé d’augmenter, pour ensuite connaitre une chute, en 2009, suite à la crise financière mondiale, pour ensuite se redresser, en 2011, mais beaucoup moins vigoureusement qu’avant la crise. Cette évolution permet à certains observateurs de parler d’un début d’essoufflement de la «mondialisation». Néanmoins, d’autres économistes atténuent le ratio «Commerce extérieur/PIB», en évoquant l’importance d’autres facteurs tels que la taille et la structure des économies, voire la proximité géographique des partenaires commerciaux.

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Ainsi, dans le secteur de l’industrie automobile, la comparaison de l’évolution des exportations de voitures avec les ventes domestiques, offre une mesure bien meilleure de la dynamique de la mondialisation, en appréciant le degré de dépendance externe d’une économie. Ce modèle de mesure, nommé « modèle de gravité structurel », permet d’apprécier la dynamique relative du commerce national par rapport aux échanges externes. Le modèle permet des comparaisons spatio-temporelles plus pertinentes. La réduction des barrières commerciales et les progrès technologiques de l’information permettent de propulser les échanges internationaux, grâce à l’intensification de la connectivité et de la coopération économique internationale. Il est donc difficile de parler de «démondialisation».

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Le ratio «Échanges externes/PIB » de la Chine a certes tendance à diminuer, depuis 2006, et est inférieur à la moyenne mondiale, depuis 2001, suite à son intégration dans l’Organisation Mondiale du Commerce. En fait, le commerce extérieur de la Chine occupe une place moins importante dans le PIB, en raison de la croissance de son économie intérieure, avec le développement d’une classe moyenne locale, et, d’une manière générale, l’amélioration du pouvoir d’achat de la population, dans son ensemble. Ce qui explique la forte résilience de l’économie chinoise face aux chocs externes, au cours des récentes crises mondiales. Par ailleurs, les dynamiques sectorielles connaissent des mutations profondes. Les échanges mondiaux dans le secteur tertiaire (services) se développent plus rapidement que ceux de l’industrie manufacturière traditionnelle. Ce qui laisse présager de nouvelles perspectives de «mondialisation».

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En fait, le processus de mondialisation n’est jamais linéaire. La grande complexité de ce processus explique le recours fréquent, voire quasi-systématique du concept d’ « incertitudes », au pluriel. À partir des années 1980, la Chine s’est placée en tête de la « mondialisation » dans le secteur de l’industrie manufacturière. L’étape suivante est plutôt dominée par l’Inde, en matière de services. Il serait donc plus exact de parler de «reglobalisation» ou de «remondialisation», avec des évolutions spatio-temporelles inégalitaires qui ne remettent pas en cause le caractère globalement irréversible mais complexe du processus. Actuellement, avec la «multipolarisation» croissante du monde, la « mondialisation » devra nécessairement revêtir de nouvelles formes, avec des contenus différents, traduisant ainsi une reconfiguration des forces et une redistribution des ressources.  

Source exploitée : Banque Mondiale.

 
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