Interview

Youssef Guerraoui Filali : «Les produits agricoles et de l’élevage ne sont pas concernés par la libéralisation immédiate dans le cadre de la ZLECAF»

Tour d’horizon avec Youssef Guerraoui Filali concernant l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2024, de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAF). 

Challenge :Quelle lecture faites-vous du lancement effectif de la ZLECAF ?       

Youssef Guerraoui Filali : C’est une première pour le Maroc. Il s’agit d’un démantèlement tarifaire qui va permettre au Maroc d’accéder à un marché continental africain, où le pays sera carrément sur une union tarifaire importante qui favorisera les échanges commerciaux et en quelque sorte, la libre-circulation des marchandises.  C’est une opportunité, bien évidemment de pouvoir s’ouvrir et de faire développer de manière exponentielle, les échanges commerciaux du Maroc avec le reste des pays du continent africain.  

Challenge :Existe-t-il des restrictions de produits dans la première liste retenue ? 

Y.G.F. : Bien évidemment, les produits soumis à ce démantèlement tarifaire excluent les produits agricoles et ceux de l’élevage afin de protéger le marché national. Une décision en parfaite adéquation avec la stratégie du pays puisque ce sont des activités qui touchent le tissu national. Par conséquent, le Maroc dans sa première liste de démantèlement douanier a exclu ces produits, afin de protéger le marché national. Il s’agit d’une politique économique protectionniste qui vise à protéger le tissu économique marocain et en même temps, continuer la stratégie de développement du Royaume au niveau du continent et permettre une certaine ouverture vis-à-vis des autres pays de l’Afrique.       

Challenge :Quels sont donc les produits autorisés dans cette première liste ? 

Y.G.F. : La libéralisation immédiate concerne certains produits, qui ne sont pas à mon avis très stratégiques pour le Maroc. Ce sont des produits qui sont déjà exportés à l’international comme l’avocat, un certain nombre de fruits rouges, le blé, les olives…Et donc ces éléments aujourd’hui, à travers la ZLECAF, font l’objet d’une libéralisation immédiate et font partie de la liste de démantèlement douanier que le Maroc, bien évidemment a mis en avant, et a proposé aux autres pays du continent africain qui rentre dans le cadre de la ZLECAF. 

Challenge :Quel sera donc l’impact sur l’économie Marocaine ? 

Y.G.F. : Je pense que le Maroc aujourd’hui, n’aura pas vraiment les effets immédiats de cette libéralisation douanière. Par contre, c’est une décision importante sur le plan politique et pour marquer la présence du Maroc, qui est enraciné dans le continent africain, qui est présent et qui adhère à cette initiative africaine douanière importante. 

Je considère que c’est une décision beaucoup plus politique. Mais les investissements qui peuvent avoir lieu du Maroc vers le reste du continent africain ou encore les visites touristiques, les jeunes africains qui viennent au Maroc s’installer pour faire des formations pour lancer des petites affaires, sont autant d’opportunités. A mon avis, les retombées économiques seront autres que la liste présentée dans le cadre de la ZLECAF. In fine, il suffit de voir la politique économique protectionniste du Maroc et la comparer avec la liste présentée pour cette libéralisation immédiate pour comprendre qu’il n’y a pas vraiment un impact économique et financier important.  C’est beaucoup plus une décision politique d’adhésion, de partage et d’ouverture, et que les retombées économiques seront autres que la décision elle-même de faire partie de la ZLECAF. 

Challenge :Quid de la protection des investisseurs ? 

Y.G.F. : Effectivement, la protection des investisseurs est d’actualité parce que la majorité des investissements au niveau national concerne des primeurs, des agrumes, et des fruits et légumes essentiellement, ne serait-ce que dans le secteur agricole. Je pense que les investisseurs ne seront pas très impactés au vu de la liste qui a été présentée.  Cette dernière comporte en quelque sorte des produits disons marginaux. Ce ne sont pas des produits de première nécessité ou de premier rang. 

Je pense que cette libéralisation immédiate a beaucoup plus une portée politique qu’une portée vraiment économique, et qu’il n’y a pas de risque majeur pour les investisseurs marocains ou même les investisseurs étrangers qui vont venir s’installer ou investir au Maroc. 

Challenge :Au vu des spécificités du marché africain, ne pensez-vous pas que ce partenariat représente un risque pour les investisseurs Marocains ? 

Y.G.F. : S’agissant du risque à cette étape et en se référant à la première liste présentée, on observe que le Maroc cherche au maximum à maîtriser le risque d’ouverture. Cette libéralisation immédiate a été faite par le Maroc, de manière très prudente, c’est donc beaucoup plus un pas politique. Sur le plan économique, nous sommes sur une politique protectionniste qui protège le produit national et qui s’ouvre beaucoup plus sur certains produits dérivés ou marginaux, qui vont juste marquer la présence du Maroc dans le cadre de cette action douanière panafricaine, mais sur le plan économique ou des investissements, il n’y a pas de risque majeur pour le Maroc vu que la liste présentée est en quelque sorte verrouillée et bien étudiée à l’avance.

Challenge :Qu’est-ce qui motive donc finalement ce choix ? 

Y.G.F. : Le plus important dans tout ça, c’est l’état d’esprit du Royaume du Maroc. Nous sommes sur un effort même de libre-échange, et d’ouverture, une intégration africaine confirmée aussi par la volonté marocaine vu que le Maroc est pionnier sur le continent africain, il est aussi une très grande porte vers l’Afrique subsaharienne, francophone et anglophone. 

Et donc cette ouverture a beaucoup plus un tri politique qu’économique, quoique réglementée parce qu’il s’agit évidemment d’une circulaire d’adoption au niveau du conseil de gouvernement, mais ce démantèlement  lui-même, a une portée politique et volonté d’État qui a été exprimée pour accélérer l’intégration économique du continent africain dans le cadre d’un esprit gagnant-gagnant et une ouverture et la création surtout d’une nouvelle synergie commerciale entre les pays du continent africain.

Son parcours 
Il est titulaire de diplômes supérieurs et de certificats internationaux en Economie, Sciences de Gestion et Management. Il justifie de plus de 15 ans d’expérience dans quatre secteurs d’activités (Institutionnel, Associatif, Semi-Public et Privé). Il a occupé plusieurs postes de responsabilités tels qu’Auditeur Interne, Contrôleur de Gestion Senior, Chef de Service CAE, Responsable Financier, Chef Département Budget et Logistique, Directeur Financier, Veilleur Stratégique Sénior et Responsable Contrôle Interne Groupe. Il est éventuellement Analyste-Chercheur en Développement Durable et Economie Numérique, ainsi qu’Enseignant en Cycle Supérieur. Il est actuellement Président du Centre Marocain pour la Gouvernance et le Management.

Son Actu  
L’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) vient de publier la circulaire n°6530/223, qui annonce la mise en œuvre sur le plan douanier de l’Accord portant création de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) au Maroc. Cette circulaire qui fait référence à la lettre émanant du Ministère de l’Industrie et du Commerce du 28 décembre 2023, met en lumière les nouvelles mesures et les implications de cet accord historique.

 
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