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Casablanca: Nabila Rmili résistera-t-elle aux lobbys des « gilets jaunes » ?

La ville de Casablanca n’est pas à sa première tentative d’organiser le stationnement urbain. Cette activité se trouve sous l’emprise de réseaux tentaculaires ayant toujours réussi à faire avorter toute « velléité » de régulation. En décidant de s’attaquer au gardiennage des voitures, la mairesse Nabila Rmili doit savoir qu’elle donne un coup de pied dans un nid de guêpes.

Après des années de gestion cacophonique, la métropole déploie des efforts indéniables pour rattraper le temps perdu et mettre un terme aux manifestations d’anarchie. Il faut reconnaître que la fermeté et la détermination du wali Mohammed Mhidia y sont pour quelque chose.

Comme par magie, les chantiers d’infrastructures, particulièrement en lien avec les déplacements urbains, trouvent, enfin, un dénouement heureux, les uns après les autres. Les lignes 3-4 du tramway et le réseau busway en sont la parfaite illustration.

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Les travaux d’agrandissement et d’embellissement des principales artères sont désormais livrés dans des temps record, sinon dans les délais impartis. Le dernier projet symbolisant le nouveau dynamisme est l’achèvement rapide de l’aménagement de la route d’Azemmour, menant à la commune de Dar Bouazza. Les nouvelles trémies ouvertes à la circulation améliorent déjà la vie des usagers de cette voie, qui était un cauchemar.

Au moment où il est plus agréable qu’avant de rouler dans la métropole, les automobilistes sont vite ramenés à la réalité, dès qu’ils décident de parquer leurs véhicules. On est accosté, illico presto, par des gardiens, souvent peu amènes, exigeant le paiement de sommes exorbitantes pour le stationnement. Les tarifs demandés sont aléatoires, puisqu’ils font fi de la durée et de l’heure du stationnement. Ces gardiens, dont certains sont détenteurs hélas d’autorisations légales, intimident et terrorisent toute personne opposée à cette extorsion déguisée.

Les Casablancais ont le sentiment d’être livrés à leur sort. En dépit des campagnes populaires sur les réseaux sociaux et les actions de protestation des associations, le phénomène ne fait qu’empirer au fil des temps. Le nombre de « gilets jaunes » n’a cessé de croître, au point de devenir un ornement central du décor général.

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La laideur de ces pratiques, aux antipodes des aspirations de la ville de retrouver son lustre d’antan, et la multiplication des altercations, qui perturbent l’ordre public et installent le sentiment d’insécurité, vont enfin pousser la métropole à prendre des solutions radicales. En ce début de 2025, la présidente du Conseil de la ville, Nabila Rmili, a rendu une décision portant sur la cessation de la délivrance et du renouvellement des permis individuels pour les gardiens de voitures.

Certes, c’est une mesure allant dans le bon sens, mais elle devra susciter des remous. L’affaire est plus complexe qu’il n’y paraît. En empruntant ce choix, Mme Rmili ne manquera pas de se mettre à dos les milieux rentiers, qui ont réussi à tisser de profondes relations clientélistes avec des élus locaux. Ces derniers peuvent constituer une véritable force de nuisance au sein des conseils d’arrondissement, qui ont la charge de mettre en application la nouvelle stratégie.

En fait, la mairesse ne fait qu’exercer l’une de ses attributions explicitement définies dans l’article 100 de la loi organique N° 113-14 relative aux communes. Ainsi, le président du conseil de la commune, qui exerce la police administrative, est notamment habilité à organiser « la circulation, le roulage et le stationnement sur les voies publiques ».

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D’après une source familière avec le dossier, les membres des réseaux rentiers exploitent des dizaines d’autorisations de gardiennage, en utilisant des proches ou des personnes précaires comme des paravents. Grâce à leurs liens occultes avec de hauts fonctionnaires et responsables locaux, ils contrôlent une bonne partie des recettes qui devraient en principe renflouer le budget de la commune. Ils ont transformé en chasse gardée les cessions aux enchères publiques des marchés de gardiennage, avec la complicité de leurs relais dans l’administration.

Les profiteurs de la rente ont monté de toutes pièces des associations parallèles, une sorte de bras armés, qu’ils utilisent pour intimider et étouffer toute opposition à leurs stratagèmes, confie notre source. Ils actionnent, de temps à autre, leurs sbires pour dissuader les élus qui militent pour la régulation du secteur. En effet, ces fouteurs de trouble ont fait capoter, dernièrement, une réunion consacrée à cette question dans l’un des arrondissements de la préfecture Casablanca-Anfa.

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Si la capitale économique parvient à trouver la parade, elle rendra un fier service à toutes les villes du pays, qui pâtissent du même fléau. Il y a quelques mois, la Brigade nationale de la police judiciaire a démantelé à Fès une bande organisée de « gilets jaunes », qui falsifiaient des tickets de stationnement à l’effigie de la commune. Dans le cadre de cette affaire, trois personnes, dont un gardien de parking, ont écopé de la prison ferme pour escroquerie, extorsion de fonds et usurpation de fonction, entre autres.

Dans une enquête réalisée en juin 2023 par le Conseil économique, social et environnemental (CESE), 72,27% des sondés ont conclu que l’activité de gardien de voitures est la situation la plus assimilée à une forme de mendicité. C’est un rejet clair et net de cette activité, qui constitue une dégradation de la dignité humaine, tout en attisant la frustration des citoyens, impuissants face à des individus sans scrupules.

L’expérience de la métropole serait plus éthique et plus équitable, si les responsables parviennent à mettre au point des mécanismes garantissant l’intégration professionnelle des gardiens de voitures sans qualifications, sans autre source de revenus et ne roulant pas pour les lobbys des parkings. Ce serait un bel exemple de justice et d’inclusion sociales.

 
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