PLF 2025 : le gouvernement actualise ses promesses
Les lois de finances (LF), en général, sont le meilleur instrument pour apprécier le contenu réel des discours et des promesses politiques. En pleine période d’estivage, le chef de gouvernement vient de dévoiler dans la note d’orientation du budget pour l’année 2025, le détail des priorités fixées dans le PLF 2025.
Consolider l’Etat social, renforcer la dynamique des investissements, poursuivre les « réformes structurelles », et maintenir la durabilité des équilibres macroéconomiques. Tels sont les quatre principaux axes du PLF-2025, appelé à être connu plus en détail au cours du mois de septembre prochain.
Dans la « consolidation de l’Etat social », le gouvernement promet de s’attaquer en priorité à la « réforme globale du système de santé », en poursuivant le processus de réhabilitation des établissements de santé. C’est fondamental pour pouvoir donner une substance réelle au système de protection sociale et éviter un déphasage entre des réformes organiquement liées. Déjà le réaménagement du CHU Ibn Sina, dans la capitale du Royaume, est en cours de réalisation. Mais il est aussi question de doter les villes d’Errachidia, de Béni Mellal et de Guelmim, de CHU. En fait, chaque région devrait disposer de son infrastructure hospitalière universitaire dont la gestion est appelée à connaitre, en principe, plus de transparence, pour assurer un accès plus équitable à des services de qualité. A ce niveau, il est important de souligner que le gouvernement s’engage sur la base d’objectifs chiffrés et donc mesurables, tout au moins quantitativement : 1400 établissements de santé à restaurer dont près des 2/3 dans des zones lointaines.
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A date d’aujourd’hui, 872 centres de santé auraient été réhabilités, alors que 524 autres seraient en cours de requalification pour entrer en service au mois d’avril 2025. Le gouvernement s’engage aussi à valoriser le capital humain. Comment ? Déjà l’année universitaire 2023-2024 devrait se solder par « zéro médecin et pharmacien » dans les facultés de médecine et de pharmacie. Et la situation de crise n’a pas encore connu une issue. Elle risque même de perdurer à la prochaine rentrée. Malgré ce blocage, le gouvernement annonce des objectifs de 25 professionnels de la santé pour 10 000 habitants à l’horizon 2026, dans la perspective d’atteindre 45 pour 10 000 habitants, d’ici 2030. Là aussi, le quantitatif prime sur le qualitatif. Pour ce qui est « réforme du mode de gouvernance » du système de santé, l’exécutif devrait procéder à la mise en place des « groupements sanitaires territoriaux », ainsi que l’installation de la haute autorité de santé, l’agence marocaine des médicaments et produits de santé, avec un renforcement de la digitalisation de l’ensemble des services. S’agit-il d’une véritable transformation du mode de fonctionnement des anciennes structures sanitaires ou un simple changement de dénomination ? L’avenir proche nous le dira.
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Au niveau des « aides sociales », d’après les chiffres avancés par le chef de gouvernement, déjà 8,8 millions de personnes, c’est-à-dire presque 25% de la population marocaine, en bénéficient (3,8 millions de familles comprenant 5 millions d’enfants, soit un ratio moyen de 1,31 enfant par famille !?), avec un montant global de 25 MMDH. Selon la note de cadrage, ces aides vont être revalorisées, à compter du mois de janvier 2025, ce qui devrait porter l’enveloppe financière globale dédiée au programme, à 26,5 MMDH.
En matière d’emploi, une feuille de route (FR) serait dans le pipe. C’est ce « module » où le gouvernement est le plus mal noté par l’opinion publique. Or c’est l’une des premières composantes de tout « Etat social » pour pouvoir transformer la « solidarité passive » en « solidarité active ». Ce dossier est indissociable de celui de l’investissement, surtout privé, qui, malgré la « carotte fiscale », la nouvelle charte des investissements et la réforme des centres régionaux des investissements, continue à sommeiller. Le grand patronat demeure, en général, emprisonné dans la culture de la rente et de la spéculation. Attendons le détail de cette FR pour voir les choses plus clairement.
Compte tenu du récent discours du Souverain, le gouvernement a aussi intégré la question cruciale de l’eau, comme axe stratégique et prioritaire. Il est question d’accélérer le programme national de l’eau (PNAEPI) 2020-2027, à travers notamment la construction des barrages, en particulier dans les zones à forte pluviométrie, la connexion des bassins hydrauliques, l’autoroute de l’eau reliant le bassin Oued Laou, le Loukkos et l’Oum Er-Rabiâ. Ce qui permettrait d’accroitre les stocks d’eau d’un supplément de 1 MM de mètres cube. C’est aussi le cas du dessalement de l’eau de mer qui devrait être réalisé selon les plannings fixés. Ce qui permettrait là aussi un supplément de 1,7 MM de mètres cube, avec un objectif ambitieux d’assurer la moitié des besoins en eau potable via le dessalement, à l’horizon 2030, tout en s’appuyant principalement sur les énergies renouvelables.
Pour le volet relatif à la soutenabilité des finances publiques (FP), le gouvernement devrait se focaliser principalement sur la rationalisation des dépenses publiques, à travers notamment le développement des « financements innovants » et la réforme des établissements et entreprises publics. Quant à la réforme du système fiscal, il est question de « justice fiscale », mais aussi de transparence dans la gestion de l’impôt pour offrir une meilleure visibilité aux investisseurs. En principe, la réforme de l’IR devrait avoir une place particulière dans le PLF-2025, après celle de l’IS, en 2023, et de la TVA, en 2024.
Le déficit budgétaire, comme « ligne rouge », ne devrait pas dépasser 4%, pour atteindre 3%, en 2026. Les projecteurs des institutions financières internationales sont braqués sur cet indicateur. Le taux de croissance projeté devrait atteindre 4,6%, en 2025, contre 3,3%, en 2024. Prions pour que le ciel soit plus clément et pour que le contexte mondial soit meilleur. Quant à « kharroub bladi », les marocains le connaissent bien.