El Ghali Armel: «Les dirigeants financiers doivent faire évoluer leur modèle économique pour prospérer durant les dix prochaines années»
Eclairages d’El Ghali Armel, Associé PwC au Maroc sur la CFO Survey, une étude consacrée aux priorités 2025 des Directions financières au Maroc, intitulée : « Bâtir l’avenir avec optimisme ». Menée auprès de plus de 110 directions financières de différentes entreprises marocaines opérant dans 13 secteurs d’activité, cette étude expose les principaux défis et opportunités qui façonnent le monde financier au Maroc, dans un contexte de crise économique durable.
Challenge : Pouvez-vous nous donner un aperçu des principales conclusions de la CFO Survey 2025 réalisée par PwC Maroc ?
El Ghali Armel : En préambule, il est important de rappeler que nous sommes à la troisième édition de cette enquête. Cette édition, a connu la participation de plus de 110 directions financières d’entreprises intervenant dans plus de 13 secteurs d’activité.
La troisième édition démontre qu’après plusieurs années de crises et de perturbations, les entreprises ont intégré la réalité d’un monde en mutation perpétuelle. Les dirigeants financiers doivent faire évoluer leur modèle économique pour prospérer durant les dix prochaines années.
L’étude explore trois scénarios contrastés : un monde ultra-technologique, un monde RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises), et un monde local.
Ainsi, les principales priorités des Directions Financières pour 2025 sont : le pilotage de la performance puisque 64% des directions financières souhaitent faire évoluer leur organisation pour atteindre leurs objectifs de transformation et gagner en agilité ; l’investissement dans la technologie avec 60% qui envisagent d’investir dans la technologie ; et l’intégration des éléments RSE étant donné que 66% envisagent d’intégrer des éléments RSE dans les revues de performance.
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Pour ce qui est des enjeux, les directeurs financiers des entreprises marocaines ont identifié la digitalisation des processus, l’appui à la prise de décision, et une vision fiable de la marge comme enjeux significatifs pour l’année 2025. Les directions financières ont exprimé des inquiétudes face aux risques liés aux enjeux géopolitiques ainsi que les risques environnementaux et technologiques, néanmoins, elles restent optimistes.
Challenge : Quelles sont, selon vous, les raisons de l’optimisme croissant des directeurs financiers marocains malgré la crise économique persistante ?
E.G.A. : Les directeurs financiers marocains montrent un optimisme croissant quant aux perspectives de croissance économique, avec une confiance record attendue en 2025 et ce, principalement pour trois raisons. En premier lieu, nous avons les réformes économiques qui sont en cours et les initiatives gouvernementales visant à stabiliser et dynamiser l’économie inspirent confiance. Ces mesures sont perçues comme des éléments stabilisateurs et dynamisants pour l’économie marocaine. En deuxième lieu, il y a les projets d’investissement et l’amélioration des conditions macroéconomiques qui contribuent à renforcer cette confiance. Le Maroc a, en effet, mis en place plusieurs mesures pour améliorer le climat des affaires et attirer les investissements étrangers.
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Et enfin, la troisième raison qui explique cet optimisme croissant, sont les perspectives de croissance économique au Maroc qui sont perçues positivement, avec une progression de plus de 10 points de la confiance des directeurs financiers au cours des trois dernières années. La confiance à moyen terme a également progressé de manière significative, enregistrant une hausse de plus de 15 points.
Challenge : Quels défis majeurs ont été identifiés par les directions financières dans cette enquête en lien avec leur stratégie à court et moyen terme ?
E.G.A. : Les défis majeurs identifiés par les directions financières dans cette enquête en lien avec leur stratégie à court et moyen terme, se rapportent principalement à la digitalisation des processus. En effet, la transformation numérique est un levier central pour automatiser les tâches, renforcer l’efficacité opérationnelle, garantir une meilleure agilité et une réactivité accrue. Cela permet aux directeurs financiers de renforcer leur rôle de «Business Partner» et d’améliorer la performance globale de l’entreprise. Le deuxième défi identifié est l’appui à la prise de décision. Les directeurs financiers doivent mettre en place des modèles hautement performants d’aide à la décision. Cela repose sur des analyses basées sur des données fiables et en temps réel, permettant d’orienter les stratégies de manière éclairée et proactive.
Par ailleurs, dans un contexte de pression sur les coûts et de recherche accrue de rentabilité, il est impératif de disposer d’une vision précise de la marge. Cela nécessite une analyse rigoureuse des coûts, des marges et des leviers de performance pour maintenir la compétitivité et répondre aux attentes des différentes parties prenantes. La gestion proactive et anticipée du cash est également un défi majeur pour les directeurs financiers. Face à une pression persistante sur les marges dues notamment à l’inflation importée, aux contraintes d’accès au financement bancaire et à une volatilité accrue des flux financiers, la gestion proactive et anticipée du cash reste cruciale.
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Et enfin, la gestion des talents reste un défi stratégique, particulièrement dans un environnement où la fuite des compétences à l’international et la compétition pour attirer les meilleurs profils se renforcent. Cette problématique doit être abordée de manière proactive pour éviter qu’elle ne devienne un facteur de risque majeur.
Tous ces défis montrent que les directions financières doivent s’adapter continuellement pour assurer la résilience et la performance de leurs entreprises dans un environnement économique en constante évolution.
Challenge : Comment le cadre réglementaire impacte-t-il les décisions d’investissement des directions financières au Maroc ?
E.G.A. : Le cadre réglementaire est devenu au fil des années, un paramètre incontournable à prendre en considération dans les décisions d’investissement des directions financières au Maroc et ce, pour plusieurs raisons. Nous avons en premier lieu, la conformité et la sécurité juridique. Les entreprises doivent s’assurer que leurs investissements sont conformes aux réglementations locales et internationales. Cela inclut les lois fiscales, les normes comptables, et les régulations sectorielles spécifiques.
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En deuxième lieu, il y a les incitations fiscales et les subventions mises en place par le gouvernement marocain visant à encourager les investissements dans certains secteurs stratégiques, comme les énergies renouvelables et les technologies vertes. Ces incitations peuvent rendre certains projets d’investissement plus attractifs et rentables. Et enfin, l’intégration des éléments RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) dans les activités de la direction financière est en hausse, notamment dans le domaine du reporting et de la communication externe. Les entreprises marocaines sont encouragées à adopter des pratiques durables, ce qui peut influencer leurs décisions d’investissement en faveur de projets respectueux de l’environnement.
Son parcours
El Ghali Armel est Expert-comptable et Commissaire aux comptes, il intègre PwC France en 2007 avant de rejoindre PwC Maroc en 2011. Il accompagne depuis 15 ans, des groupes multinationaux et locaux de l’industrie et des services et plus particulièrement dans l’agroalimentaire et la grande distribution. En tant qu’associé, il a pour mission de développer les activités d’audit du cabinet et de renforcer le collectif des associés afin de consolider le positionnement de PwC sur le marché marocain.
Son Actu
Le cabinet d’audit et de conseil PwC au Maroc a publié la CFO Survey, une étude consacrée aux priorités 2025 des Directions financières au Maroc intitulée «Bâtir l’avenir avec optimisme». Menée auprès de plus de 110 directions financières de différentes entreprises marocaines opérant dans 13 secteurs d’activité, cette étude expose, à court et moyen terme, les principaux défis et opportunités qui façonnent le monde financier au Maroc, dans un contexte de crise économique durable.